Monsieur: de cette mienne solitude vous ne pouvez avoir de moy que des souhaitz pour vostre santé et prosperité, avec des asseurances de ma constante affection à vous honorer et servir. Pour l'estat de ma famille il est graces à Dieu très bon, et celuy de ma santé meilleur qu'auparavant, l'air et le repos de ma maison ayans beaucoup contribué pour le rendre tel; et puis le contentement que c'est à mon esprit de vivre eslongné des vagues qui l'ont agité si long temps, pourveu qu'il plaise à Dieu calmer celles, qui de nouveau semblent menacer encor ma pauvre Patrie. Pour la vostre je veux espérer qu'elle ne sera pas tousjours marastre à ses meilleurs et plus utiles enfans, ce que je conjecture par l'amélioration du traitement envers Messrs. Van der Mile et Hogerbeets, ce que aura d'autres bonnes suittes à mesure que les perturbations de vostre pays se décréditeront. Il y a longtemps que je n'en ay rien de certain, mesmes si la Baye2 a esté conservée ou perduë par les vostres, l'un et l'autre estans de grande conséquence en bien ou en mal. On ne voit point encor ce que produira le nouveau regne d'Angleterre, maia jusques à présent il ne semble pas que les affaires du Prince et Princesse3 refugiéz chez vous en reçoivent grand amendement, les maux de la qualité du leur, comme vous le sçavez mieux, n'amendent pas à vieillir. Quant aux nostres je les voy compliquez de divers accidens, qui me font tousjours craindre, apréhendant que les autheurs de ces mouvemens intempestifs n'empirent leur condition, et de ceux qui n'en peuvent mais au lieu de l'amander, et d'ailleurs que nos desseins du dehors ne marchent foiblement tant que le dedans sera entretenu en fièvre comme il est: mais celuy qui gouverne tout le monde ne lairra pas la partie que nous habitons d'iceluy depourveuë de sa providence. Au surplus je suis tousjours en soin quel est le traitement que vous reçevez en nostre court, où je voudrois de très bon coeur qu'il fust tel que le
479
meritent et vos injustes souffrances, et vostre affection envers le Roy et son estat: ce que désirant de très bon coeur il ne me reste sinon à vous faire une suplication. Je fay acomoder cette maison, et y bastir un corps de logis tout neuf qui paroist deja assez bien, obligez moy de me dire s'il seroit de la bienséance de faire graver quelques peu de motz sur le frontispice, et me les donnez s'il vous plaist apropriez au suject, en quoy vous m'obligerez extrèmement. Je saluë cependant bien humblement vos bonnes graces et de Madlle. vostre femme; la mienne est allée veoir ses parens en Bourgongne, d'où je l'attens dans un moys. Je vous pry me croire tousjours de plus et plusMonsieur, Vostre bien humble et très affectionné amy et serviteur
Dumaurier.
De la Fontayne dangé ce pr. jor. d'Octobre 1625.
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius A Paris.
In dorso schreef Grotius: 104 Oct. 1624 Maurier.