Messieurs,
Ayans entendu l'estat pitoyable de nostre frère Mercier2 que cognoissez, nous nous sentons vifvement touchés de compassions et esmeus à luy tendre la main pour l'aider à sortir hors des misères, qui l'accablent luy et sa famille desia tant d'années. Il est nostre frère en vertu de la communion spirituelle qu'il a avec nous estant de mesme foy et créance, souffrant aussy en quelque façon pour la mesme cause. Nous estimons donc qu'on ne peut en bonne conscience abandonner ains que nous et tous ceux, qui aiment le Seigr. Jésus, sont obligez chacun selon ses facultés à le secourir en ses nécessitez attendu nommement ses bonnes et louables qualités pour estre utilement employé, si s'offert condition, qui luy fust propre. Nous avons faict ce qui nous a esté possible pour luy en trouver une en ces pais non sans espérance d'en venir à bout, s'il eust pleu à Dieu donner à nostre pauvre société quelque relasche des persécutions, qui la pressent continuellement. Mais la voyans à chasque fois quelle sembloit aucunement respuer et lever la teste replongée en mesmes misères n'avons sceu jusques ores obtenir nostre désir. Quoy pendant quelques-uns d'entre nous n'ont laissé de l'assister à diverses fois de bonnes sommes de leur particulier la boursse commune se trouvant tellement chargée qu'elle ne pouvoit et ne peut encores à beaucoup près suffire à l'entretenement des serviteurs de Dieu lesquels comme au danger de leurs vies travailent en sa parolle, ni à d'autres frais du tout nécessaires pour l'advancement de son oeuvre.
C'est pourquoy, Messrs., nous vous prions, voire supplions, très humblement au nom du dit nostre Sr. et Sauveur qu'il vous plaise adviser entre vous parmy lesquels le dit Mercier habite à quelque moyen propre pour subvenir aux très urgentes nécessitez d'iceluy nostre frère et membre de corps de Christ. Vous estes quatre y compris Mr. Tresel3 demeurant à Rouen auquel nous escrivons pareillement à fin qu'il luy plaise correspondre avec vous en ce que dessus. Nous sommes très marris de vous importuner pour tel affaire, mais sachans les nécessités extrèmes du susdit, sans moyen d'y remédier par les difficultés devant exposées et croyans (?) avec vous qu'il ne peut estre laissé à l'abandon nous nous trouvons
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contrains de le recommander à vostre charité. Sur quoy nous confions que ceste nostre intercession sera prinse de la meilleure part et ne demeurer[a] point infructueuse nous prions Dieu, Messrs., qu'il plaise à sa divine bonté se monstrer vostre grand loyer et vous combler de toutes sortes de bénédictions temporelles et spirituelles au salut.Le 22 de Juillet 1628.
Vos humbles frères et serviteurs
au nom de tous
J. Uytenbogaert, A.v. Borre,
Nicolaus Grevinchoven, Simon Episcopius.
A Mess., Mess. Hugo de Groot,
Daniel Tilenus, Franchois D'or
à Paris.