Monsieur,
Le lieu, que vous tenez en mon affection et moy en votre bienveillance m'oblige de vous souhaiter le commencement et la suitte de cette année très heureuse avec plusieurs autres, que je vous souhaitte passer au lieu, où vos propres désirs ne scauroient vous appeller plus affectionnéement que les miens. Et je ne me lasse point d'espérer que la bonté de Dieu me fera veoir cela de mes yeux, ou que je l'entendray dedans mon hermitage, où la joye de cette nouvelle me le rendra mille fois encor plus agréable qu'il n'est.
Nous y jouissons grâces à Dieu d'une assez bonne santé et telle que nous la désirons à vous et aux vôtres.
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Il y a quelques jours que j'eus des nouvelles du bon monsieur van der Mile2, qui ne voyoit pas encor si clair en ce que les gens de bien désirent qu'il seroit bien nécessaire pour le bien du public, tant les ténèbres que ces malheureuses factions ont excitées sont epesses, sur quoy je dy tousiours que les coulpables d'un si grand mal en ont un conte bien difficile à rendre à Dieu. Cependant il donnera patience à ceux qui souffrent s'il luy plaist et finalement leur convertira les amertumes en douceurs comme je l'en suppli.
Pour votre trefve il semble que les propos s'en refroidissent, et je ne doute pas que les plus foibles ne veillent faire la loy aux plus forts. Mais la mesure de telles choses se doit prendre à l'aune de ce que l'on peut. Pour moy je croy que le repos de l'Italie sera la guerre de Hollande et la trefve de Hollande la guerre d'Italie; et néantmoins si Mantoue venoit à se perdre, il y a peu d'apparence si l'empereur3 et l'Espagne se n'arrestoient là que nous fussions pour aller entreprendre de le retirer de leurs mains, ny que les Italiens faissent autre chose que lécher leurs playes. Je ne me puis départir de cette oppinion, puis que sa Maté ne marche point, que l'on n'accommode cela par tradition que Mantoue ne cède à la force. Mais il vaut mieux en attendre l'événement.
Pour Orange on n'en parle plus et je ne scay si ce silence peut estre interpreté en bien. Dieu préserve cet homme4 de se faire qualifier dans l'histoire comme le furent Donat Raffagnin et Bernardin de Corti5. Je crains tousiours que ce feu couvert de cendres ne se rallume au mécontentement de ce bon prince6, quand ce qui presse le plus d'ailleurs sera vuidé et l'on encor sedan se garde.
La maistresse de céans7 et moy avec nos filles8 saluons très affectionnéement vos bonnes grâces de madame votre femme et de Cornelia9. Mes trois fils10 sont allés passer l'hyver à Saumur en meilleure conversation que icy pour leurs estudes, et puis nous verrons au vol des premiers arondelles, quel nous le leur ferons prendre. Je vous suppli(e) d'aymer tousiours celuy qui ne cessera qu'avec sa vie d'estre.
Votre humble amy et serviteur
Du Maurier
Du Maurier, ce 6e janvier 1630
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius, A Paris.