Monsieur,
Je vous suis très obligé de nouveau à cause tant de voz bons souhaits que de voz advis. Quant à mes affaires, je n'y voy pas clair encore. Le meilleur est que je m'en soucie fort peu me souvenant d'une chanson que j'ay ouy en France: A, que le monde est grand.
Nostre bon amy monsieur Rubens2, comme vous aurez entendu, n'a rien faict ayant esté renvoyé par le prince d'Orange prèsque si tost qu'il fust arrivé. Sa com-
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mission estoit d'offrir l'eschange des prisonniers, la liberté de la pesche du harang et autres grand poissons dans l'Océan à condition qu'à ceux de Flandre fust permis la petite pesche sur leur coste, touts acheminements à un pourparler de trefve, redoubte grandement en ce temps icy par le prince d'Orange à cause qu'on travaille asteure pour obtenir des Provinces les moyens nécessaires pour faire quelque chose de bon de cette année, une chose assez difficile en soy sans qu'on y apporte du destourbier.Les grand succes du roy de Suède donnent au dict prince envye à s'efforcer, et le povre Palatin3 a levé l'argent qu'il avoit presté à ce pays et engagé les bagues de sa femme4 pour trouver de la compaignie qui le ramène dans son Palatinat. Car pour Bohème et ce qui en dépend il semble que tout cela se va mettre d'entre les mains de ceux qui le garderont mieux que luy n'a faict.
Monsieur Bignon5 doit avoir cy-aprez plus grand soin de la santé que de la réputation, puisque de celle-cy il a désia autant qu'aucun homme de sa robbe sçauroit avoir, mais de celle-là il n'en a que trop peu.
Monsieur de Cordes6 et Monsieur Pelletier7 ne laisseront pas de luy donner des bons conseils pour cela. Cependant je suis bien aise qu'il n'est pas meslé en cette disgrâce de ceux du parlement, de quoy il court grand risque par sa grande générosité. Peut-estre qu'il ne prendra pas tousjours bien à ceux qui gouvernent de maltraitter cette auguste compaignie de laquelle le respect est fort avant imprimé dans le coeur des François.
Je remercie bien humblement monsieur de Thou8 de ses faveurs et bons offices et vous du jugement trop favorable que vous faictes de mes oevres. Je veux suivre vostre conseil et en d'autres affaires et en ce qui est de mon petit livre de la Religion Chrestienne9.
Je prie Dieu de conserver le bon monsieur de Lomenie10 en vie et en santé et veux espérer qu'il le fera, quand ce ne seroit que pour récompenser par cette grâce le bien que monsieur de la Villauclercqs11 faict à tout le monde. Je fais le mesme souhait pour vous, messieurs voz frères12 et bons amis auxquels touts par vostre permission je fais mes recommendations comme estant et à ceux et à vous,
Monsieur,
Le serviteur très humble
H. Grotius.
A monsieur Monsieur du Puy. A Paris.