Monsieur,
Vostre main m'a résioui. Je vous asseure que parmy les douceurs de la France, il ni en a aucune que j'aye estimé plus que celle de vostre conférence. Quand il me souviens de vos belles allées, de vos propos graves et de messieurs de Saincte Marthe et Bergeron2, tout le chagrin se passe. Il y a peu de choses d'Epicure3 qui me plaisent, mais j'approuve celle-cy que du temps passé on peut prendre ses plaisirs tant qu'on veut et que personne ne les nous scauroit oster.
Hoc est vivere bis vita posse priore frui et puis que je me suis mis sur des vers j'adjousteray ceux-cy:
Prorogat aetatis spatium sibi vir bonus, hoc est Vivere bis vita posse priore frui.
Je rends grâces à Dieu de ce qu'il vous a rendu la santé, et vous la souhaite pour le bien de vostre patrie, qui a, ce me semble, grand besoin de gens de bien, aussi bien que la mienne.
Pour ce qui me concerne il est vray que la noblesse et les meilleures villes ont esté pour moy, mais vous scavez ce que disoit un sage grec: οἱ πλείους ϰαϰοί4 et un sage latin: pessimum recti argumentum turba est5. Les petites villes gouvernées par des gens de peu d'estude se laissent emporter par l'esprit turbulent des gens d'Eglise. Qui nisi quod ipsi faciunt nil rectum putant. Je me suis résolu de me donner un peu de patience pour attendre à quoi aboutiront ces affaires, et je le ferai tamquam
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Excelsa de turre, mea sine parte pericli6,car je me souviens tousiours de ce bon mot d'un mauvais prince
τὸ τεχνίον πᾶσα γῆ τϱέφει7.Mais c'est assez raillé. Je prierai Dieu, Monsieur, de vous donner toute sorte de contentement et entre autres de vous oster de l'employe de la monoye pour vous donner un emploi plus digne de vous et plus utile au public.
Ce 23. fevrier 1632.
Vostre serviteur très humble
et très obéissant
H. de Groot.
Adres: A M. le Prés. Lusson.