Monsieur,
Je receus la vostre du 23/13 de Juillet et le 9/19 de ce mois2, par laquelle ie voy que vous n'aurez pas receu encore la lettre du roy3 pour vostre affaire et ne m'en estonne pas, pour ce que ie ne l'avois eu et envoyé que le 9 Juillet n. st. tellement que i'espère que peu après la date de la vostre l'aurez receu et qu'elle vous guarentira contre les injustices qu'on vous faict.
Je vous remercie autant que faire se peut de la communication des victoires continuelles du duc de Rohan4 lequel seul cette année a acquis plus d'honneur que tous les autres qui commandent aux armées du roy. Je voudrois sçavoir s'il est vray ce qu'on nous dit icy que les Grisons n'ont pas voulu permettre que le duc de Rohan entrast dans le pays de Tirol se voulant conserver dans les anciens termes d'alliance avec la maison d'Autriche. De Mets les advis nous disent que le cardinal de la Valette5 accompagné du duc Bernhard6 a faict quitter à Gallas7 la ville de Mayence et le siège du fort: et que depuis le duc de Bernhard a passé le Rhin pour secourir la ville d'Hanau, et le cardinal de la Valette est allé reprendre Trève. Les actions généreuses, comme nous espérons, rasseureront les villes qui branloyent et entre celles Francfort si elle n'a desià faict le faut.
Du Pays Bas la perte inopinée de Schenckenschans8 par surprinse nous avoit assez estonné, mais depuis ayant apprins que le prince d'Orange9 incontinent y est accouru premièrement avec la cavallerie et depuis avec son armée et celle du
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roy et par ce moyen a empesché que l'ennemi ne puisse faire aucunes courses dans le Betuwe, nous espérons que le mal n'ira pas plus avant.Le roy de Poulogne10 ayant pour quelque peu de temps prolongé la tresve avec Suède non sans espérance de continuation plus grande11 s'employe comme intercesseur envers l'empereur12 pour les povres Silésiens et on y adiouste qu'il a prins en sa protection quelques princes et seigneurs des plus proches de son royaume auquel anciennement la Silésie a appartenu.
Le roy a envoyé de l'argent à l'électeur de Brandenbourg13 pour luy faire continuer la guerre et d'estraquer, si on peut, quelques troupes de l'électeur de Saxen14.
De monseigneur le chancelier15 nous attendons des lettres qui en ce temps icy à cause de l'interruption du commerce avec Brabant passent avec difficulté et non sans incertitude.
Je vous prie de croire, monsieur, que ie souhaite les occasions pour vous tesmoigner que ie suis
Vostre serviteur très humble.
Le 11/21 Aug. 1635. A Paris.
Le roy se prépare pour aller vers la frontière de Lorraine.