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Monsieur,
J'ay receu avecq le respect que vostre très illustre personne et qualitez et actions méritent la lettres2 de laquelle il vous a pleu m'honorer, et me suis grandement réjouy ayant apprins premièrement par le bruict commun après par le rapport fort particulier du sieur Priolau3 la continuation de voz victoires desquelles vous estes comme en une possession perpétuelle. Et j'espère que tant voz méritez que l'estat des affaires viendront en telle considération près de cette cour qu'on nous fournira tout ce qui est nécessaire pour tousjours faire paroistre des efforts convenables à vostre magnanimité et à la grandeur de la France.
L'affection, monsieur, que vous avez tesmoigné tousiours envers la Suède et particulièrement envers monsieur le grand chancelier4 ne me permet pas de doubter que vous ne vous resiouyssiez de ce que ce royaume et la France se sont uni fort estroittement pour ne conclurre aucune paix que par consentement commun. Dieu ne laisse pas aussi de seconder la iustice de vos armes contre ceux qui pour le gré de tant d'assistance qui a cousté la vie à beaucoup de milliers de Suédois et à un qui seul valoit beaucoup de millier5 nous ont receu une postille ouverte.
Le marescal Banier6 ayant appris que Hatsfeld7 menoit un grand secours à l'électeur de Saxen8 ayant doubté s'il valoit mieux luy aller au devant ou de se ietter dans les quartiers des ennemis de là le Sale a préféré le dernier, et ayant passé la rivière prez de Munnichennieuburg avec sa cavallerie, et ayant envoyé mille mousquetaires pour passer par le pont de Calbe, a desfaict trois régiments saxons de cavallerie nommez de Schaffelitz9, de Lunenburg10 et de Weimar11, desquels la plus part sont tuez et dix cornettes prises. Ce qu'ayant appris le reste des Saxons ils se sont retirez soubs la défence de leur canon: et le marescal Banier s'estant tenu un jour entier en campagne ouverte: les attendant et conviant à la bataille, voyant que cela estoit en vain, s'est retiré avec toute son armée vers ses quartiers.
J'espère qu'en récompense de cette nouvelle vous vous enfournirez bientost de semblables ou de meilleures. Ce que ie vous souhaitte, monsieur, come le très affectionné à vostre service,
H. de Groot.
Le 6 de May 1636. A Paris.