Monsieur,
En peu de jours i'ay receu deux de vos lettres du 8 et 15 du courrant2 vous remerciant très affectueusement de la peine qu'il vous plaît prendre en mon endroit, dont ie vous demeure bien obligé, et tant plus quand i'auray veu paroistre les effets de mon payement. I'en fais tousiours instance comme vous verrez par l'enclose du sieur Strasburg3 parce que la nécessité m'y pousse, les Suisses estans trop mesfians en prestant de l'argent aux estrangers et si i'avois du mien pour fournir aux despances ie vous asseure que i'aurois volontiers patience, mais n'ayant de quoy vivre il faut que ie sois plus importun à monsieur le gran chancelier4 que ie ne voudrois pas.
Pour les Suisses il ne fault pas craindre qu'ils entrebattent durant nos guerres, mais si une fois elles finissent, les bigots poussez d'ailleurs ne manqueront de troubler le repos des protestans. Au reste, si toute la Suisse estoyent unie, ie vous puis asseurer qu'elle contrebalanceroit grandement nos affaires et se mettant de nostre costé advanceroit à gran pas la paix que désirons, ayant gran nombre de bonne infanterie, vivres, munitions et argent en abondance oultre sa situation admirable d'où elle pourroit agir utilement et en Italie et en Allemagne contre les Austrichiens. Sed odia factionesque gentis nihil boni nobis ominantur.
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Les Grisons ont receu derechef 28m escus du gouverneur de Milan5, néantsmoins pour s'en refaire du meilleur il ne veut pas encor permettre qu'ils prennent la possession de la Voltoline armata manu, voulant qu'on attende le retour des ambassadeurs6 d'Espagne où ils sont détenus à desseing.
La desfaite des trouppes du Vrangel7 est grande pour la conséquence d'avoir cest accidant ramené nostre Banier8 jusques à Stetin où on dit qu'il se tient sans pouvoir poursuivre ses desseings contre la Siliesie. Il est temps que l'Angleterre nous aide, autrement ie crain que la longueur de ceste guerre que nos ennemys peuvent mieux continuer, ne nous lasse et donne à un chacun occasion de transiger à part, en faisant sa paix aux despans des petis, chose parmy les gran princes fort ordinaire.
Pour Rakozy9 ie crain qu'il ne nous trompe estant hay de la Porte conforme le dernier advis que m'en a donné monsieur Haga10 qui le cognoit mieux qu'aucun autre.
La copie de mon traitté de la guerre présente ie vous la communiqueray avec un autre occasion, ceste-cy est pour vous reccomander les encloses et vous asseurer que ie suis passionément, monsieur,
Vostre serviteur
Marin.
Zurig, ce 20/30 de Xbre.
Adres: M.r Grotius à Paris.
In dorso schreef Grotius: 30 Dec. 1637 Marin.