... Narraveram praeterita septimana tuas domino Utenbogardo de editione Annotatorum querelas.2 Is eas rursum ad Episcopium3 Roterodami decumbentem detulit et uter-
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que re bene perpensa consultissimum iudicavere, ut ad Corcelium et Brenium4 ... scriberent eosque monerent, ut melius correctioni velint invigilare.Etienne de Courcelles aan de directeuren van de Remonstrantse Broederschap te Rotterdam,5 22 november 1640
Messieurs et tres honorés freres,
J'ai receu les lettres qu'il vous a pleu m'escrire pour m'exhorter à tenir plus exactement la main à la correction de ce qui reste à imprimer des Annotations de monseigneur l'ambassadeur Grotius sur les Evangiles que je n'ai fait aux premiers chapitres, dont il se plainct merveilleusement. A quoi je vous diray pour response que m'ayans obligé par tant de bienfaits, depuis que je me suis retiré en ce pays ici, que je vous en seray eternellement redevable, je serois tres aise de vous pouvoir tesmoigner en cest endroit le vif ressentiment que j'en ay. Mais ayant apporté toute la diligence qu'il m'a esté possible à la revision de cest ouvrage, je ne saurois vous promettre autre chose que de continuer comme j'ay fait jusques à present; non point de faire mieux, car cela surpasse mes forces. Aussi desormais cela serviroit-il de peu, les trois quarts en estant desja imprimés, contenans environ deux cens feuilles de papier, despeschées dans quatre mois, avec tantost trois, tantost quatre presses.
Je sai bien qu'il y est eschappé diverses fautes, principalement en l'Hebrieu et quelques-unes au Grec, et en suis fort marri. Car je ne desirois rien tant que de faire en sorte que ce bel oeuvre, plein d'une rare et exquise doctrine, parust tres correct en public, tant pour le contentement de l'auteur mesme que pour l'utilité des lecteurs. Mais quelque soin que j'en aye eu, il m'a esté impossible de le si bien nettoyer qu'il n'y en soit encor trop resté. Je parle de moy, d'autant que je suis adverti que mondit seigneur l'ambassadeur et monsieur son frere m'en accusent particulierement, et pour ce que tout ce fardeau retombe presque entierement sur mes espaules, le sieur de Breen en ayant à peine reveu la douzieme ou quinzieme partie; tesmoin par exemple que de trente-six espreuves qui ont esté faites la semaine passée j'en ay corrigé trente-quatre et lui seulement deux, pour ce qu'on ne s'addresse point à lui que lorsque je ne suis point à la maison, et qu'on a haste d'avoir quelque espreuve de peur que les ouvriers ne chomment. Aussi d'ailleurs a-[t]-il assés d'occupation à dresser l'indice qui doit estre adjousté à la fin du livre. Si donc il m'est arrivé de laisser quelques fautes sans les corriger, il le faut attribuer à la grandeur du travail dont j'estois surchargé par dessus mes forces, non point à aucune negligence. J'en ai ma conscience deschargée, ayant adverti dès le commencement mondit seigneur l'ambassadeur qu'il estoit impossible que son oeuvre sortit bien correct si les presses rouloyent si viste.6 Mais icelui au lieu de mander à l'imprimeur qu'il allast plus lentement, au contraire l'a fait continuellement solliciter à se haster.
Maintenant pour parler un peu de l'Hebrieu où je croi qu'il se trouvera plus de manque, vous saurés, messieurs, que les compositeurs d'abord y estoyent si nouveaux et inex-
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perimentés qu'à peine cognoissoyent-ils les lettres, et que lorsqu'il falloit joindre en une ligne les mots qui en occupoyent deux en la copie, ou au contraire mettre en deux ceux qui n'en tenoyent qu'une, ils en brouilloyent tout l'ordre, et là où il y avoit plusieurs lignes commençoyent ordinairement par celle d'embas. Ce que je leur marquois comme il falloit remettre, mais ne suis pas asseuré s'ils ont tousjours bien compris mon intention, ni s'ils l'ont executé avec la fidelité et diligence qu'il appartenoit. Il m'eust fallu aller en l'imprimerie pour le[s] voir corriger devant mes yeux; ce que mes autres occupations ne me permettoyent point. J'avoue aussi que je n'ay pas une telle cognoissance de la langue hebraique, que je puisse facilement corriger les fautes de la copie, surtout ès passages tirés des rabbins. Toutesfois j'en sai assés pour suivre une bonne copie et correcte. Mais en celle de mondit seigneur les characteres souvent sont confus, non seulement ceux qui ont une grande affinité entr'eux, mais aussi ceux où il y a une notable difference, comme le Vau et le Nun final, le Caph et le Resch et autres.J'ai aussi trouvé tant de fautes ès textes cités de la Bible, quand je les ai conferés avec une bonne edition de Plantin que j'ay,7 que je recueille que les autres que la haste des imprimeurs ne m'a pas permis d'y examiner et ceux des rabbins n'en sont pas exempts. Mais l'auteur recognoit mieux maintenant les fautes qu'il y a, les voyant en des beaux characteres imprimés, qu'il n'a fait en son manuscrit, lequel la multitude et importance de ses autres affaires ne lui ont permis de relire qu'à la haste.
Quant au Grec, j'ay rencontré quelques mots qu'il m'a esté impossible de lire, où par consequent il ne faut point s'estonner s'il est demeuré des fautes. Je recognoissois bien qu'il y avoit du manque, mais ne sachant que remettre en la place, je les ai laissés tels qu'ils estoyent. Mais j'ose bien vous asseurer, messieurs, et suis content que jamais vous n'adjoustiés de foy à mes paroles, si je ne verifie clairement qu'il y a beaucoup plus de fautes au manuscrit de l'auteur tant au Grec qu'au Latin, sans y comprendre celles des distinctions qui la pluspart sont omises ou mal mises ni des accens graves et aigus du Grec qui sont confondus partout, qu'il ne s'en trouvera en l'exemplaire imprimé.
J'ai dessein, s'il plaist à Dieu, de me mettre dans quelque temps à relire ledit manuscrit, les pieces duquel pour cest effect je conserve soigneusement, et d'en remarquer toutes les fautes, puis les envoyer à mondit seigneur l'ambassadeur, lequel sans doute s'estonnera d'en avoir tant laissé eschapper à ses yeux. En la derniere espreuve que je viens de voir tout presentement j'en ai trouvé quatre en deux lignes, trois au Grec et une au Latin. Jugés donc s'il a raison de requerir en autruy plus d'exactesse à corriger son ouvrage qu'il n'en a usé lui-mesme. Adjoustés à cela que son escriture en ce qu'il a inseré de sa main est si difficile à lire, qu'il est comme impossible que les plus doctes ne s'y mesprennent.
Excusés s'il vous plaist, messieurs, la liberté dont j'use à vous representer ces choses. Une juste douleur me transporte voyant que mes grands et tres difficiles services sont si mal recognus, et que de là d'où j'attendois des louanges et des remerciemens je n'ay que plaintes et reproches. Cela seroit capable de me faire perdre courage et m'induire à laisser tout là, si vostre respect et la recommandation que vous m'en faites ne me retenoit. Mais je vous suis tant obligé et suis si affectionné à vous servir qu'encor que les commandemens que vous me feriés seroyent beaucoup plus pesans, je m'efforcerois toutesfois de les executer.
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En laquelle protestation je finirai, priant Dieu qu'il verse ses benedictions en toute abondance sur vos personnes et sur vostre sainct travail, et demeurant à tousjours, messieurs et tres honorés freres,
vostre tres humble et tres affectionné frere
et serviteur en nostre Seigneur,
Estienne de Courcelles.
A Amstredam, le XXII de Novembre 1640.
Adres: A messieurs/messieurs les directeurs de la Societé des pasteurs remonstrans, à Rotterdam.
Etienne de Courcelles aan Simon Episcopius, 22 november 1640
Monsieur et tres honoré frere,
La liberté dont vous me permettés d'user avec vous, quand vous estes en ceste ville, pour vous descouvrir sans crainte le dedans de mon ame me donne maintenant la hardiesse de vous entretenir un peu plus familierement en particulier que je n'ai fait en la lettre qui vous est addressée en commun avec messieurs vos collegues.8 Je croi qu'à ceste heure par la grace de Dieu vous estes en telle sorte remis de vostre grande maladie que vous ne recevrés aucune incommodité de la lecture de ce peu de lignes.
Environ le temps que vous estes parti d'avec nous, estant fort occupé à la correction des Annotations de monseigneur l'ambassadeur Grotius sur les Evangiles et voyant que depuis près de deux ans que je lui avois rendu divers services, qui m'avoyent desrobbé beaucoup de temps que j'eusse peu employer plus utilement ailleurs, il n'avoit daigné m'escrire un seul mot de lettre pour me tesmoigner quelque ressentiment de tant de peine que j'avois pris et prenois encor jour et nuit pour lui, je m'en plaignis à monsieur Mercier9 par une assés longue lettre, le priant de lui en toucher quelque chose selon qu'il le jugeroit à propos. Mais il n'eust pas la peine de lui en parler. Car ma lettre ayant à passer par les mains de mondit seigneur devant que venir ès siennes, il l'ouvrit et leut ce que je disois de lui; mais qui estoit couché en termes si respectueux qu'il n'avoit point de subjet de s'en offenser. Car j'avois bien preveu devant que l'envoyer que sa curiosité le pourroit porter à l'ouvrir et qu'il n'y falloit rien mettre que je ne voulusse bien qu'il seust. Cependant il me fit respondre par ledit Mercier d'une si altiere et insolente façon que vous vous estonneriés de le voir. Mais craignant que cela n'alterast nostre amitié il m'en fit des excuses huit jours apres par une autre lettre, me priant de prendre en bonne part ce qu'il m'avoit escrit pour obeir au commandement de mondit seigneur et qu'il estoit bien marri de voir mes services si mal recognus, mais qu'il tascheroit de l'induire à me tesmoigner plus d'amitié ci-apres.
Or j'appris de ces deux lettres qu'il estoit indigné de ce que je ne lui avois pas donné le titre d'Excellence quand je lui avois escrit et que c'estoit la cause pour laquelle il ne me respondoit rien. Qu'une fois il m'avoit bien escrit et lui avoit monstré ses lettres, mais puis apres se ravisant il ne les avoit point envoyées. Mais si mon crime estoit si grand qu'il effaceast tout le merite de mes services, celui de monsieur le professeur Vossius10 le surpasse de beaucoup, qui ne lui a jamais donné d'autre titre que celui de Illustris vir, au lieu que j'employois le superlatif Illustrissimus; et cependant il ne s'en est point offensé comme de moi, quoiqu'il peust aisement recognoistre que ceste omission de compliment proce-
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doit d'une pure ignorance de la mode presente de la cour, non point d'aucun mespris de sa dignité, laquelle j'ai autant respectée que jamais homme ait fait. Toutesfois ayant pour compagnon de mon infortune monsieur de Saulmaise,11 qui a encouru sa disgrace pour le mesme subjet, il me faut resoudre à le supporter patiemment.Mondit sieur l'ambassadeur donc sentant qu'une telle procedure ne m'obligeroit gueres à le servir doresnavant et que ses exhortations par l'entremise ordinaire du sieur Mercier auroyent perdu tout credit envers moy, s'est advisé d'une gentille ruse qui est d'employer messieurs les directeurs de nostre Societé, auxquels il sait que je ne puis rien refuser, pour me retenir par leur autorité à son service et toutesfois ne m'en avoir point d'obligation. Je pense aussi qu'il se plaind si hautement de ma negligence en la correction de son ouvrage afin de vous persuader qu'il n'a point de subjet de me savoir gré de tout le service que je lui ai rendu. Car il se doute bien que je ne manquerai point d'accuser son peu de recognoissance. Pourtant veut-il preoccuper vostre jugement en se complaignant le premier, afin que devant que m'avoir ouy vous lui donniés cause gagnée. Ce que je sai bien qu'il n'obtiendra jamais de vostre prudence et equité.
Certes ledit sieur Vossius juge bien plus favorablement de mes travaux, lequel sur les plaintes qui lui ont esté faites de moy par monsieur l'advocat W. de Groot,12 a pris la peine d'examiner quelques feuilles de cest ouvrage qui est sous la presse et apres les avoir veues a mandé à mondit sieur l'ambassadeur qu'il les trouvoit assés correctes pour une premiere impression, faite sur une copie difficile à lire et que je meritois une grande louange pour me rendre si assidu à ceste correction, de laquelle si je ne me fusse volontairement et gratuitement chargé le sieur Blaeu n'eust pas imprimé son oeuvre. Mais il n'a encor receu aucune response à ces lettres, qui furent envoyées il y eust Lundi dernier trois semaines.13
Pour conclusion je vous dirai qu'il me semble sauf vostre meilleur advis n'estre pas tant convenable que messieurs les directeurs de nostre Societé s'interessent si fort en ce livre comme ils font ès lettres qu'ils en escrivent à monsieur de Breen et à moi, pour ce qu'ils ne savent pas encor bien ce qu'il contient. C'est à la verité une piece autant docte et remplie de belles et bonnes choses qu'il s'en trouve. Mais toutesfois l'auteur me semble en divers endroits pancher plus que de raison du costé du papisme. Il reprend aussi fort souvent les erreurs des calvinistes, mais il ne dit rien ou si briefvement et obscurement que rien plus qui puisse desplaire aux papistes ou craindre la censure de l'inquisition. Tellement que si l'auteur est tenu pour remonstrant cela fortifiera la calomnie laquelle ci-devant on a fait sonner si haut que le dessein des remonstrans est de ramener le papisme et qu'ils le couvent secretement en leur sein.
Mais c'est trop longtemps entretenir un malade et qui ne peut pas encor porter une longue lecture. Je prie Dieu du plus profond de mon coeur, comme je l'ai souvent fait durant vostre plus griefve maladie, qu'il lui plaise vous remettre et fortifier de telle sorte
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que nous jouyssions longtemps des excellens dons desquels il vous a si liberalement enrichi. Et attendant que nous vous revoyions ici je demeure, monsieur et tres honoré frere,vostre tres humble et tres affectionné frere
et serviteur en nostre Seigneur,
Estienne de Courcelles.
A Amstredam, le 22 de Novembre 1640.
Si vous estimés que messieurs vos collegues ne se doivent point offenser de la liberté de ces lettres, vous les leur pourrés communiquer, mais je vous prie fort qu'elles ne sortent point hors de vostre compagnie. Quant à celles que je vous escris en commun je serai bien aise que ces deux freres14 qui se plaignent tant de moy les voyent. Vous m'obligerés beaucoup si vous faites en sorte qu'elles viennent en leurs mains.
Adres: A monsieur/monsieur Episcopius, professeur en theologie, estant de present à Rotterdam.
In dorso staat in een onbekende hand: Courcelles. Courcelles.