Monsieur,
Je crain[s] avec vous ce que [vous] me mandez par la vostre du 17 finissant2 de l'affaire
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de l'electeur palatin;3 aussy en ay-je souvent adverty monsieur Pepliz,4 qui presse tant qu'i[l] peut la conjonction de son prince avec nous, mais la perfection de cela dependant d'ailleurs, il faut qu'il laisse aller l'affaire comme il va, more solito. Baviere n'a rien encor respondu sur ce que les deputez palatins ont proposé, lucro temporis rei suae consulere cupiens. Aussy ne le fera-[t]-il pas sitost, sçachant qu'il n'a beaucoup à craindre du roy d'Angleterre et que la France soustiendra tousjours son advantage. Monsieur l'ambassadeur Rho5 s'ennuye aussy de ces facheux deslays et si est qu'il faut demeurer à Vienne pour attendre le placet du party contraire avec peu de reputation de son maistre et de toute sa nation.La plus gran part des trouppes imperiales qui ont esté au siege de Hohetvil,6 demeurent es quartiers d'hyver proches de là, et n'y a que 400 ou 500 hommes avec quelque peu de cavallierie qui continuent le blocus d'icelle place. Je ne voy pas aucune disposition des protestans pour la prendre en sequestre ou faire d'autres offices pour sa demolition, s'ils n'y sont pressez par les cattoliques, qui ont beaucoup de pouvoir sur eux. De ceux-cy une bonne part a accordé7 la levée pour la France, non tant par affection que pour obtenir leur pension, puisque celle d'Espagne leur manque il y a quelque temps, et qu'ils croyent pouvoir obtenir la neutralité pour ladite Contée après luy avoir procuré la suspension d'armes pour 6 mois, durant lequel temps les Espagnols auront assez de loisir de se pourvoir des lettres de creance en meilleure forme qu'ils n'ont fait l'esté passé à Bade.8 Le canton de Zurig donne trois compagnies, qui font 600 hommes, Soleure 4, Ury deux, Glarone et Abbenzel deux, quisque pagus pro rato, si ce n'est que Schafusen s'en excuse à cause du voisinage des imperiaux, qui crient fort cont[r]e ceste levée et en attribuent la coulpe aux protestans, dont l'exemple fait que les autres peu bien affectionnés à la France facent9 le mesme.
Les Grisons disputent encor sur la reception des cappucins dans l'Engadine,10 et pour en venir au bout on tiendra dereschef un betag à Coire,11 qui neantmoins sera aussy infructueux que d'autres precedans. La malediction de Dieu les talonne de tous costés, et si n'en deviennentils pas meilleurs.
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Je n'ay pas encor receu aucun subside pour soulager ma necessité, dont je ne puis accuser que ma retrograde fortune et d'avoir trop bien servi. Dieu me console et vous conserve en vostre bonheur et moy en vos bonnes graces, dont je vous demande la continuation, et demeure à jamais, monsieur,
vostre serviteur redevable,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 23 de Decembre l'an 1641.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 16 Ian. 1642.
En in dorso: 28 Dec. 1642 [sic ] Marin.