Monsieur,
Je n'ay pas encor receu ces deux cent richedales que monsieur Heuf2 à vostre instance m'a promis;3 messieurs Hevarts4 ausquels il en doit avoir escrit n'ayans jusques à ceste heure donné ny ordre pour le payement ny mesme m'en escrit. Je m'en estonne fort et ne sçai pas où j'en suis, vous suppliant pourtant de les faire effectuer au plustost, car je vous proteste que j'en ay si gran besoing comme un affamé du pain, ne sçachant où en prendre d'advantage pour avoir tant de fois manqué de parole à mes creanciers qui me donnent bien de la peine. Plust à Dieu qu'on m'envoyast bientost des lettres de faveur aux Grisons, afin que j'y puisse un peu demeurer en seureté et estre assistant à ma femme5 à recouvrer ce qu'elle a perdu à cause de moy, oultre qu'il m'est impossible de supporter plus à la longue la cherté qui nous presse icy
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et qui donne à faire aux autres residans encor que provisionés d'une paye de trois mille dalers par an. Je vous conjure par l'affection qu'il vous plait me porter de faire tant, que je puisse obtenir ceste faveur en Suede avec le payement qu'on me doit, car autrement je serai reduit ad stipem avec ma pauvre famille, et faudra à la fin que je me retire d'icy comme un infame n'ayant de quoy satisfaire à mes creanciers.Le gouverneur de Hohetvil6 repare le chasteau où il est endommagé et se pourvoit de tout ce qui luy faut, faisant demolir tout ce qu'il y a dehors et peut servir aux ennemys, s'ils y retournent ce prinstemps, comme ils publient le vouloir faire. Il a 400 hommes sains en garnison, et plus de deux cent d'autres personnes de service. Spar7 est allé en poste à Vienne pour s'excuser envers l'empereur de sa faute qu'il jette sur le gouverneur de Costance qui luy auroit depeint l'entreprise plus facile de ce qu'elle n'est. Les Suisses veulent qu'on prolonge la suspension d'armes en la Contée8 jusques à la Saint-Jean et sans cela ne veulent que la levée accordée sorte du pays, en quoy je croys qu'on leur gratifiera.
Les Grisons s'assemblent sur le traitté de Feldkirch9 qu'on doit ratifier de part et d'autre, mais de Milan ils ne reçoivent pas encor ce qu'on leur doit. On y publie de gran' advantages d'Espagnols auprès de Perpignan, qu'ils auroyent ravictuaillé, et contre la flotte de Hollande et de Portugal.10
Touchant l'affaire de Rome il y a peu de disposition à un accommodement entre le pape et le duc de Parme.11 Au contraire, on m'escrit que la sentence de condemnation est toute dressée contre son Altesse et sur le point d'estre prononcée, si les bons offices de ceux qui s'entremettent de cest affaire n'en empechent l'execution. Le cardinal Bichi va en France et Panciriola en Espagne,12 et veut-on que la congregation establie sur la reception de monsieur l'evesque de Lamego13 est fort advancée et qu'elle fait esperer un succes qui sera de satisfaction au nouveau roy de Portugall et à la France. L'Espagne en sera fort offencée, aussy se desfie-[t]-elle tout à fait des actions du pape. On escrit que nostre Torsonson a derechef la goutte, Dieu l'en delivre et le face victorieux sur ses ennemys.
Je vous demande la continuation de vos bonnes graces que je cheris infiniment, et demeure, monsieur,
vostre serviteur redevable,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 13 de Janvier, stilo vetere, l'an 1642, que Dieu nous donne plus heureux que le precedant.
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Je vous ay adressé des lettres pour nostre reine et le gran-thesorier.14 J'espere que vous en auray eu le soing qu'il faut, encor que vous ne m'en donne[z] le receu.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 14 Febr.
En in dorso: 13 Ian. 1642 Marin.