Monsieur,
Je voy par vostre derniere que vous ne sçavez encor rien de l'eschange de monsieur le marechal Horn,2 qui neantmoins s'est fait il y a plus d'un mois,3 et vous le verrez tantost à Paris au retour de la cour, où il est allé pour saluer le roy. Je luy ay reccommandé fort soigneusement mes affaires et si par son moyen le sieur Heuf4 pourroit estre disposé à me payer le reste de ce qu'il me doit, je vous supplie d'y contribuer tout vostre possible, pour le moins qu'il m'accommode d'une partie, s'il ne peut en tout.
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Icy on est apres à fortifier ceste ville, qu'on menace de tous costez, et n'y a guerre que l'empereur a escrit à tous les cantons les exhortant qu'ils ayent à revoquer leur milice qu'ils ont envoyé il y a quelques semaines en France; oultre que les cattoliques se monstrent de tous costés fort rudes envers les protestans suissez, et par ce moyen monstrent qu'ils cerchent de nouvelles querelles à desseing, qui à son temps viendront à propos à la maison d'Austriche.
En Italie on ne fait encor rien, et il semble que ceste levée, que les princes d'Italie font, fera plus de bruit que d'effect n'y ayant personne qui veuille estre le premier à attaquer, nonobstant que le pape ait une armée de 16 mille hommes à ce qu'on escrit et que son differand avec Parme ne puisse estre adjousté jusques à ceste heure. Cependant la despence croît de part et d'autre et fait fort crier les Romains contre le pape, dont ils sont chargés de tant de nouvelles contributions pour ceste guerre.
Monsieur le mareschal Horn vous communiquera les articles de la tresve de l'empereur avec le Turc,5 qui continue son armement contre Asac. Le traitté des Palatins continue avec des lanterneries accoustumées et si n'en peut-on tirer aucune responce cathegorique, si on veut restituer le Palatinat ou non.6
Cependant l'empereur ira le 19/29 de May à Prespurg à la diete de Hongrie7 et par son absence laissera tout en souspens. Il continue dans sa bigotterie et ne veut permettre l'exercice de la religion protestante mesme dans l'armée du duc Franz Albrecht de Saxe-Lauenburg,8 moins à ceux de la Silesie, qui par armes de l'electeur de Saxe sont reduits à l'obeissance de l'empereur et pour lesquels il a intercedé en vain. Voila, où nous en sommes. On se vante à Vienne que la Suede fera sa paix avec l'empereur à part, mais je crois qu'il en sera trompé, aussy bien en ce qu'il espere que le roy de France mourra bientost des poulmons et qu'il y aura une guerre intestine dans Portugal.
Je demeure, monsieur,
tout le vostre,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 21 d'Avril, stilo vetere, l'an 1642.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 14 Mey.
En in dorso: 21 April 1642 Marin.