Monsieur,
Les advis de France nous portent tant la belle reception de monsieur le general Horn à la cour du roy, que son arrivée à Paris, d'où j'atten[ds] avec grande impatience des bonnes nouvelles touchant ce que vous aurez operé pour moy envers monsieur Heuf,2 et si mondit seigneur general s'en va à Hamburg ou par l'Hollande en Suede. Tous les ministres des princes qui sont en Suisse demandent l'augmentation de leurs gages, quoyque grandes, à cause de la cherté qui regne icy et qui est insupportable. Je vous laisse penser en quel estat que je suis, moy qui ay une bagatelle pour mon entretien au resgard d'eux et manque de mon gage il y a tantost quatre ans. Et n'estoit que j'ay donné ma parole d'attendre icy jusques à ce que je voye ce que fera pour moy mondit seigneur general, je n'y voudrois demeurer une seule heure, ne pouvant plus soustenir ceste despence qui a ruiné tout à fait ma femme.
Nous avons la confirmation de la prise de Gran-Glogau et d'autres places.3 Et en Italie, oultre le differend du duc de Parme, qui n'est nullement accordé, il y en a un autre avec la republique de Luques nouvellement excommuniée, et avec le duc de Toscane, qu'on cite à Rome pour y deduire ses raisons et pretensions qu'il a sur le duché d'Urbin, que le pape voudroit attrapper pour soy.4 Venise continue à armer, mais elle trouve peu de bonnes gens. Les Espagnols sont en campagne et pressent le prince Thomas5 pour faire le mesme avec ses trouppes que le roy d'Espagne luy entretient et on n'attend que l'argent qui luy doit estre desboursé, aussy bien qu'à l'armée espagnole en Italie, pour l'entretien de laquelle on a donné des assignations de Naples et Sicile, qui montent à un million et 500 mille escus payables en un an.
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Les protestans suisses sont fort piqués d'un manifeste fait contre la souveraineté de Geneve, qu'un abbé françois luy dispute et qui avec le temps produira des brouilleries en Suisse.6 Les Petis Cantons donnent deux mille hommes pour le Milanois, mais en Espagne il n'y a personne qui y veuille aller, horsmis trois ou quatre capitaines, qui feront leurs levées en Allemagne.
Nonobstant le mauvais traittement que les Palatins reçoivent à Vienne ils n'en partent pas encor, l'ambassadeur d'Angleterre ne voulant rompre avec l'empereur, qui en fera son profit.7
Je me reccommande à vos bonnes graces et vous prie de me croire toute ma vie, monsieur,
vostre redevable,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 2/12 de Juin l'an 1642.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 18 Iunii 1642.
En in dorso: 12 Iunii 1642 Marin.