Monsieur,
Je vous remercie bien fort de vos advis du 4e d'Aoust.2 Plusieurs lettres sont si liberales3 qu'elles nous donnent desja la ville de Brieg, mais je ne me haste pas à le croire. Mais il me semble que les affaires vont à un combat, lequel, s'il est pour nous, nous donnera des grands adventages.
Les electeurs sur le Rin4 monstrent une grande envie de la paix, mesme sans l'Espagne. Je croy que le baron de Waert aura grand employ estant homme d'executions. La dispute de Hildesheim n'empeschera pas l'accord.5 Et ces mariages qu'on projette ne changeront rien publicqs;6 c'est un desseing de long temps que cette union de la Basse-Saxe, et difficile à mettre en oeuvre.7
Il sera utile que les Dunquerquois soient bien retenus dans leurs ports, afin qu'ils ne servent aux desseings des Espagnols sur Calais. Car ils ont pris de forts et redoubtes tant là que prèz d'Hesdin, ayant une armée grande, grand nombre de pionniers et bien du canon. Les armées du comte d'Harcourt et de Guiche y vont, et le roy mesme va vers cette frontiere aprèz que sa Majesté aura receu nos condoleances sur la mort de sa mere, de qui on dict que le corps est retenu à Coulonge pour deux millions des debtes, une somme plus grande que le roy ne voudroit payer.
Je croy avoir travaillé assez heureusement pour monsieur de Thou; pour le moins son nom n'est pas dans l'histoire que le roy en a envoyée aux parlements. Je voudrois pouvoir servir aussi à monsieur le duc de Boullon, quand ce ne seroit que pour l'honneur que je doibs aux merites de madame la landgrave.8 Mais la situation de Sedan est un mauvais ingredient en son proces.
De Perpignan je ne saurais faire certain jugement. On croit que Leganes a quelque quinze mille hommes à Saragosse; dix mille ont esté mis à terre à Roses. Il y [a] apparance que le roy d'Espagne, qui est à Saragosse, aura un bon nombre avecq luy, les François n'estoient que
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sept milles il n'y a pas longtemps. Depuis monsieur de Schomberg a ramassé quelques gens en Languedocq, le clergé de ces quartiers en fournit et le duc d'Anguin y amene quelque noblesse, qui estoit à luy ou au grand cardinal, lequel à present a deux moindres cardinaux qui le consolent, Bichy et Mazarini, mais sa plus grande consolation est qu'il peut faire du mal à ceux qui luy en ont voulu faire. Le duc Charles et le gouverneur Bamberg vont en Elsace. Le baron d'Osseville s'est transporté à Saverne pour avoir l'oeil sur leurs desseings. Mercy a de gens delà le Rhin et peut-estre passera le Rhin à Philipsbourg pour se joindre à ces autres. Le roy escrit à monsieur de Beaufort, fils du duc de Vandosme, qu'il vienne pour luy declarer ce qu'il a appris de desseings passez, soubs promesses d'impunitez. On ne croit pas qu'il vienne. Monsieur du Hallier a quelque cinq mille hommes pour se joindre à monsieur Erlach, qui fortifie les villes forestieres, ou à monsieur d'Ossenville.Selon les occurrances les levées se continuent tant du pape que du duc de Parme, et dict-on que le pape soubs ce pretexte a eu quelque desseing sur Mirandula. Le mariage s'acheve entre le cardinal et sa niesse,9 et esperent les François les pouvoir attirer à leur parti, de quoy je m'en doubte, puisque ils veulent ruiner Pignerol et la citadelle de Turin. Ce que faisant, il n'y a point d'apparence de faire quitter les Espagnols ce qu'ils tiennent en Piedmond. Les Suisses travaillent encore, mais en vain comme je croy, à mettre la comté de Bourgogne en neutralité. On nous dict que le duc de Medina-Sidonia en Espagne est remis en liberté.
Je demeure, monsieur,
vostre tres humble serviteur.
Le 15 d'Aoust 1642.
Bovenaan de copie staat: Viquefort.