Je ne vous sçaurois assez remercier de l'affection que [vous] tesmoignez tousjours pour
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moy et les miens. C'est la proprieté des ames genereuses d'obliger ceux qui n'ont pas le moyen de le recognoistre et en donnant des faicts de ne recevoir que des affections.Touchant l'ambassade2 tout ce qu'on dira ou fera en cela ne me troublera poinct. Sum in utrumque paratus.3 Je souffriray, si on veult, fort bien le repos et emploieray ce qui me reste de vie à rendre graces à Dieu des biens qu'il m'a faict et en laisser quelques fruicts à la posterité. Si aussy on veult que je continue cette charge qui m'est plus peinible que profitable, je le feray soubs esperance de pouvoir servir à la paix des princes chrestiens pour après travailler tant plus heureusement à celle de l'eglise. Les escrits pleins de mensonge ne m'estonnent poinct.4 Il y a des playes qui ne peuvent estre guaries sans faire crier ceux qui en sont attaints. L'esprit de discorde a pour frere celuy du mensonge.
Le grand cardinal5 publie icy la victoire obtenue par les nostres sur l'archiduc Leopold et Piccolomini disant en avoir des nouvelles de Brisac, dont j'attendrai la certitude avant que d'en estre guarand.
La responce donnée par messieurs les Estats des Provinces-Unies à Stricklandt soubs apparence de neutralité6 panche du costé du sieur Pime et ses adherans,7 qui à mon advis ne peuvent porter le nom de parlement, separez du roy qui en doibt estre le chef, desavouez des plusieurs provinces et estant eux-mesmes soubs le pouvoir du racaille de Londres. J'espere que Dieu fera du roy d'Angleterre ce que autrefois il a faict de Louis le Debonnaire, lequel il a laissé deposseder du throsne royal pour y estre remis avec autant plus de gloire.
On a joué chez monsieur le cardinal une comedie de l'Europe, dont la catastrophe estoit la paix de la France avecq l'empereur à l'exclusion de l'Espagnol. Les defiances à la cour ne cessent point, on oste les gendarmes des gardes et le gouvernement d'Auvergne au frere du roy. Le prince et le duc d'Anguien demeurent en Bourgogne. Pour l'année qui vient, croit-on que monsieur de La Milleray qui ordinairement tire vers luy les mellieures trouppes fera guerre en Italie et le duc de Longueville en la Franche Comté. Les trouppes qui ont esté en Lorrainne, Champagne, Picardie sont aux quartiers. Le chasteau de Tortone se defend encore et les François qui tiennent la ville ont bien de la peine pour trouver leurs vivres, ceux de Gennes s'excusant sur leurs necessitez propres et la duchesse de Parme sur l'absence de son mary. Le roy s'il peut prendre le chasteau le veult mettre avec la ville entre les mains du prince Thomas, à qui le gouverneur de Milan a defaict quelques trouppes et pris au mesme temps la tour de Vegerra. Les François ont failly de prendre Sama et le marquis de Carazera a defaict les gens du gouverneur de Cazal venus sur le Tamer.
Le pape a trois armées et continue encore des levées, tirant force argent du chasteau de Saint-Ange, faict des fortifications nouvelles tant à Rome qu'ailleurs. Le duc de Parme se tient à Aquependente et le cardinal Spada a ordre d'escouter ce que le grand-duc et autres voudront proposer pour la paix.
Sur les frontieres d'Espagne La Motte-Odincourt a pris le trentiesme d'Octobre la Tour de Sagre et quelques convois des ennemis. Les Espagnols ayant pris Almanar guere loing de
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Balaqueres et quittant le desseing de Lerida attaquent Monsone, où quelques desseings des habitans à leur faveur ont esté descouverts.Nous apprenons que le baron de Soye et Sporck sont au Haut-Palatinat et qu'ils attendent Jean de Waert.
Je demeure, monsieur,
vostre tres humble serviteur.
Bovenaan de copie staat: M. Vicquefort.