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Monsieur,
C'est à la verité une grande nouvelle que vous me donne[z] par la vostre du 8 courrant2 de la mort du cardinal-duc de Richelieu, les conseils duquel admirables ont eu cela d'extraordinaire par-dessus les autres qu'ils ont esté accompagnés d'un singulier bonheur, qui a paru en toutes ses actions et qui pourtant meriteront la memoire immortelle. Il est mort comblé de tous les honneurs qu'un gran homme sçauroit desirer et c'est en un temps que le party contraire est mis si bas que si ses successeurs voudront parachever ce qu'il a commencé, ils viendront bientost à but de son desseing, pourveu qu'avec l'estat ils repurgent aussy l'Esglise chrestienne des abus qui s'y sont glissés, car autrement si la France ne cerchera que ce qui sent la terre, il est à craindre qu'elle ne seigne du nez aussy bien que l'Espagne.
Nostre diete de Bade3 est finie more solito. On n'y a fait autre chose que de resouldre une lettre que les Suisses escriront au roy touchant la neutralité de la Contée, et ceux de Costance y ont porté des plaintes contre monsieur d'Erlache4 qu'il ait violé la paix hereditaire que les Suisses ont avec l'Austriche en saccageant le pays autour de Costance, et quant aux autres points, qui touchent leur differend de relligion, on en a remis la deliberation à un autre temps plus commode.
La neige grande qui est tombée sur les Alpes empeche que nostre messager d'Italie ne peut passer, ne sçachant pourtant de vous dire plus de ce que je vous ay escrit il y a huit jours. On dit que les Espagnols se tiennent encor à Pontecuron et les François entre Tortone, Novi et Nizze de la Paille et que le vice-roy de Naples sera gouverneur de Milan et celuy qui est à present ambassadeur à Rome,5 où on n'a rien encor conclu touchant l'affaire du duc de Parme.
Faites s'il vous plait des instances à monsieur Spiring qu'il se haste à me payer l'argent6 qu'il me doit, car d'attendre un jour, tant s'en faut des sepmaines entieres de plus, ce m'est un gran dommage ayant eu il y a longtemps la patience d'un asne.
Je demeure, monsieur,
tout le vostre,
C. Marin.
Zurig, ce 15/25 de Decembre 1642.
Leipzig s'est finalement rendu,7 ce qui faira advancer nostre armée vers l'Austriche. Je
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vous supplie de baiser les mains de ma part à monsieur le comte de la Garde8 et luy offrir ma maison s'il passe par icy en Italie.Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec 12 Ian. 1643.
En in dorso: 15 Dec. 1642 Marin.