Monsieur,
Je voy par la vostre du X de ce mois2 que l'addresse de monsieur l'ambassadeur de Venise dont je me suis servi en l'affaire de monsieur mareschal Horn,3 ne vous aggrée pas, dont je m'estonne fort, et pour ne vous donner point de desgoust me serviray de la voy ordinaire à l'advenir, ayant sans cela tousjours addressé mes lettres au sieur Heuf.4
Nous ne sçavons pas encor ce que les cantons cattoliques, qui se sont assemblés depuis peu à Lucerne,5 auront resolu sur le rappel de la milice qu'ils avoyent destiné en Espagne et sur ce qu'i[ls] feront pour la Franche-Comtée et Costance, où ils voudroyent mettre leur garnison si l'archiduchesse d'Insprug le veut.
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D'icy en quinze jours se tiendra une autre diete generale à Bade,6 où il y aura bien de la dispute et de la division parmy les Suisses, estant impossible que tous soyent d'accord contre la France. L'empereur leur a escrit et les exhorte à garder bien leurs passages et veiller à la seureté de leur liberté, leur faisant quelque ouverture d'une plus estroite union, à laquelle les cantons alliez avec Espagne sont fort enclins. Les Grisons qui gouvernent à present sont aussy fort alarmés par la prise d'Uberlinghen7 et demandent aux Suisses assistance en cas de besoing, mais les meilleurs s'en moquent et ont escrit à un de messieurs de Salis8 pour entamer quelque ouverture de leur reunion avec la France à la cour, ayant ordre de se servir de vostre assistance, en quoy je vous supplie de les vouloir favoriser et inciter monsieur Salis à s'y comporter bien en cas qu'il s'y monstrast un peu lent à cause de ses interests que ceux de Salis ont en France.
Les Espagnols ont repris en vin[g]t et quatre heures la ville de Tortone9 et assiegent le chasteau à l'estroit, et si le prince Thomas ne vint au secours bientost, il est à craindre qu'il ne pourra tenir longtemps, y ayant peu des vivres et les soldats malades, encor que la garnison soit forte de 1200 hommes. Dans l'affaire de Castro on n'est pas encor d'accord,10 mais on espere que le pape y condescendra à cest'heur où il voit de retour monsieur de Fontaine11 à Rome, y estant retourné par l'interposition de monsieur de Venise et l'instance du cardinal Barberin, qui l'avoit convié à le faire par une lettre expresse.
Je me reccommande à vos bonnes graces et demeure, monsieur,
tout le vostre,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 16 de Febvrier l'an 1643.
Tout à cest'heur on nous mande de Milan que le comte-duc d'Olivares12 a esté emprisonné par ordre du roy d'Espagne avec sa femme et son fils aisné.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 12 Martii.
En in dorso: 16 Febr. 1643 Marin.