Monsieur,
La conjonction du duc de Lorraine2 avecq Jean de Waert3 est bien veritable, mais nous croyons que les Bavarois et ceux de Lorraine sont reculez vers le Danube et que les François sans aucun empeschement jouiront des quartiers de Wirtembergh et advanceront leurs affaires sur le lac de Constance, là où l'occasion se presente bonne,4 les cantons qui sont dans l'alliance de la France estans fort animez contre les autres cantons, qui commencent à trembler et fortifier les advenues. Nous avons icy monsieur Gothefroy, deputé de Geneve, pour accommoder quelques differens et troubles et asseurer la France de la bonne affection. Aux Grisons aussi le party qui vouloit estre pour les François commence à se relever, ce qui pourroit donner aux François le moyen d'entrer au Milanois.
Tortona est prise par les Espagnols. Le chasteau se defend, mais un convoy a esté empesché d'y entrer. On croit que le duc de Longueville y va commander. On traitte encore la paix entre le pape et le duc de Parme, tant à Venize qu'à Florence.
Ceux de la France-Comté, craignants d'estre attaquez vivement, semblent se disposer à vouloir recevoir des garnisons des Suisses protestants pour maintenir la neutralité, s'ils le peuvent obtenir, à quoy il y aura de la difficulté. Monsieur de La Milleray va en ces quartiers et aura un bon assistant, le vicomte de Turaine. Le comte d'Harincourt sera sans autre employ que de son gouvernement de Guienne.
On dit5 que depuis l'esloignement du duc d'Olivares le principal credit est près don
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Ferdinando de Borgia. Il y a eu combats entre les Espagnols et les Fransois près de Tarragon et sur les frontieres d'Arragon, sans grand advantage de part ou d'autre, et je croy que du costé d'Espagne on se disposera plus à la paix et à tout ce qui y sera requis que cy-devant.Nous avons icy le comte de Laudran, Escossois envoyé pour renouveller les anciens traictez entre la France et l'Escosse. Ses discours tesmoignent que la pluralité du parlement d'Escosse est pour assister le parlement d'Angleterre, mais qu'il y a de grand sentiment contraire, tellement que l'Angleterre pourroit devenir la proy de deux sortes d'Escossois, et après des Irlandois. En quo discordia cives perduxit miseros, et principalement le zele des ministres de l'eglise! Plusieurs icy sont d'opinion que si la reine d'Angleterre vient icy qu'elle pourroit advancer et la paix generale et le bien de sa maison.
On delibere icy d'estaindre le soux par livre et en recompense prendre la trentiesme des maisons, doubler le nombre de ceux qui servent aux sieges presidiaux et augmenter [les droits imposés sur les marchandises].
Le roi ne se porte pas si bien comme tous les Fransois et tous ceux qui aiment la France le desirent. Dieu conserve sa Majesté et la reine et leurs enfans.
Monsieur, je demeure
le vostre.
Le 28 de Febvrier 1643.
Le pape a donné passage aux trouppes qui sont allez de Naple à Milan, combien que la ligue entre luy et l'Espagnol n'est pas conclue encore. La bulle que j'envoy est un pretexte pour oster les images des eglises. On parle des seditions à Seville et Mexico sans certitude. Huict cent mille livres ont esté envoyez à Narbonne pour l'armée fransoise qui est en Catalogne. Aux Suisses on retranche le quart des arrierages, payant le reste en trois mois. L'electeur de Treves est en liberté. Le duc de Bouillon s'oppose à l'union de Sedan avecq la couronne.
Bovenaan de copie staat: A monsieur Vicquefort.