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Monsieur,
La santé du roy est tousjours dans l'incertitude.2 Si elle va en mieux, j'espere de voir bientost sa Majesté pour luy recommander les affaires de madame la landgravin et de l'armée du mareschal de Guebrian, comme je m'y sens obligé par plusieurs raisons. On fait courir le bruict qu'on envoye audict mareschal bien de l'argent et un renfort de six mille hommes. Mais plusieurs croient qu'ils ne feront que ruiner l'Allemagne, comme le duc Charles y travaille aussi de son costé. Et le mareschal de La Millerai ne fera pas moins, s'il va comme on dit vers le pays de Treves.
Les Fransois veulent prendre trois mois de temps après le jour prefini par le roy de Danemarcq pour la conference, pour cependant mettre leurs affaires en telle assiette qu'ils desirent, pourquoy on dict que le cardinal Mazarini et don Melos s'abboucheront sur la frontiere. Le duc d'Anguien se porte mieux et croit-on qu'il va pour mettre en bon estat les villes de Picardie. L'eschange des prisonniers est conclu. On fait de discours de rassieger La Motte en Lorraine et Roses en Catalagne.
D'Espagne nous apprenons que le duc de Medina et Sidonia, et Ferrandino sont relaschez et le commandement des armes, osté à Leganes, donné à Philippo de Sylva. De Tortona on est en doubte et craint-on le pis. Le duc de Parme, ayant failly en quelques desseings et perdu douze cents hommes de trois mille envoyez par mer, sera tant plus facile pour accepter quelque paix. Nous avons icy un ambassadeur extraordinaire de Florence pour les obseques de la reine-mere et attendons une ambassade des Suisses pour la neutralité de la Franche-Comté et de Constance.
J'approuve grandement les desseings d'Hollande et Zelande de renouveller leur union,3 qui est la plus ancienne, d'avoir le principal soing de se conserver la mer, et de se maintenir avecq les moindres provinces dans les termes de l'Union d'Utreght.4 Je serai bien aise que les droicts du roy d'Angleterre soient bien defendus et y voudrois pouvoir contribuer tant à cause de l'estime que je fais de ses vertus royales qu'à cause que je suis ennemy de touts remuements, et principalement de ceux qui se couvrent du manteau de la religion.
Je seray tousjours, monsieur,
vostre tres humble serviteur.
Le 4 d'Avril 1643.
On nous dit qu'on attend à Milan bon nombre des soldats qui viendront de Naples en dix galeres; que le Grand Seigneur arme soixante galeres sans qu'on sçache où ils iront. L'affaire de la trefve generale en Angleterre s'accroche, mais on en faict de particulieres en plusieurs lieux.
Bovenaan de copie staat: M. Vicquefort.