[Monsieur,]
Le roy donne un exemple à tous les rois2 et mesme à tous chrestiens de se preparer à la mort comme il faut, ayant dit ne vouloir mourir comme le cardinal, qui n'a pardonné à personne: il a fait achever les ceremonies du baptesme pour monsieur le dauphin et luy donné le nom Louis le Juste, Donné de Dieu; a faict faire inventaire des biens du feu cardinal, surcheoir à la publication des nouveaux edicts; [a] protesté qu'il est tres marri de n'avoir peu donner la paix à la chrestienté et du soulagement à ces peuples, qu'il est bien aise de sortir de ce royaume temporel et fort brouillé pour aller à l'eternel, qui est plein de tranquillité, et voyant par la fenestre le ciel et l'eglise de Saint-Denis a dit: là
231
sera mon ame et là mon corps; a ordonné à son frere de faire venir sa femme, pourquoy desja un expres est allé à Brusselle, a dict adieu aux capitaines qui allerent vers la Picardie et à d'autres de ses guardes ordonné de se tenir prests pour faire aprèz sa mort ce qui leur sera ordonné par la reine.Lundy passé le roy avoit fait venir vers luy quelques-uns du parlement de Paris. Ils sont venus: le premier president, les presidents, conseillers de diverses chambres, ensemble au nombre de vingt. Lorsqu'ils entrerent après le midy, le roy estoit en son lict, la reine seule assize près de luy, les enfans debout, comme aussi Monsieur frere du roy, le prince de Condé, les ducs et marescaux, auxquels et à ceux du parlement le roy a dit qu'ils ne se mettroyent point en ordre, puisque le lieu et le temps ne le permettoient pas. Le roy après avoir osté sa coiffe et remis, et tesmoigné l'affection qu'il avoit pour le bien de la France, a fait lire un acte signé par sa Majesté, par la reine et par son frere, lequel acte il a signé encores une fois en la presence de tous, y adjoustant que telle estoit sa deliberée volonté et derniere. Le sens de l'acte est que la reine sera regente, le frere du roy soubs elle lieutenant du royaume et general des armées et chef du conseil de la reine, qu'aprèz luy et en son absence seront chefs du conseil le prince de Condé et le cardinal Mazarini, aprèz eux conseillers le chancellier, le surintendant des finances Boutiller et son fils Chavigny, secretaire d'Estat, lesquels ne pourront estre destituez que par forfaicture, et en tel cas ou par la mort les charges vacantes, il y sera pourveu par ledict conseil et par les secretaires d'Estat. Les choses de grande importance, comme aussi les elections aux offices qu'on appelle de la couronne et aux premieres presidences des parlements et aux gouvernements des places-frontieres se feront par la reine et la pluspart des voix du conseil, mais les elections aux eveschez et abbaies et autres charges ecclesiastiques par la reine avecq le cardinaƚ Mazarini. La regence de la reine durera tant que durera la minorité du dauphin ou de son frere le duc d'Anjou si le royaume vient à luy.
Les personnes mis en prison ou releguez sans sentence sont à present restablis en leurs charges, non conferéez à d'autres, comme les ducs de Vendosme et Bellegarde, les marescaux Bassompiere et Vitri, le comte de Cramail, le marquis de Vieuville, quelques presidents et conseillers. Ceux contre lesquels il y a sentence, comme le duc de Guise et le duc d'Espernon et plusieurs autres, retourneront quand cela sera trouvé bon par la reine et le conseil, mais Chasteauneuf, qui a esté guarde des seaux, et madame de Chevreuse ne pourront, cettuy-cy estre mis en liberté, celle-cy revenir en France qu'après la paix faite et lors ne pourront s'approcher à la cour du roy. La reine, le frere du roy et le prince de Condé ont levants les mains promis à accomplir le contenu. Et ceux du parlement, sur ce que le roy leur disoit de vouloir estre obei en cecy, ont dit par la bouche du premier president que la cour du parlement avoit esté tousjours tres obeissante au roy et aux rois ses predecesseurs, et qu'elle estoit chargée d'en faire la leçon aux autres, que tout leur contentoit grandement excepté la mention faite par le roy de sa fin, laquelle leur fermoit la bouche, priants Dieu de la destourner.
Le jour ensuivant le prince de Condé vint au parlement et prist sa place aprèz le premier president. Le chancellier venant aprèz prist sa place au-dessus le premier president. Aprèz vient Monsieur frere du roy, auquel deux presidents allerent au-devant jusqu'à la Saincte Chapelle et le menerent à la chambre où furent appellez tous ceux des autres chambres du parlement. Monsieur le frere du roy et le prince, quitant la place qu'il avoit tenue, et les ducs et marescaux qui cy-devant avoient obtenu la qualité des conseillers se mirent en un banq à part, là où souloient estre assiz les conseillers-clerqs. Le prince harangua à l'honneur de la reine et sur la requisition du procureur-general l'acte, passé par le roy le jour auparavant, fust verifié sans contradiction aucune. Depuis le roy a veu le duc de Vendosme, Bassompierre et quelques autres des restablis. Le roy s'est confessé au pere Vincent de l'ordre de la Mission, non pas au pere Dinet. Dans l'acte est aussi que si Monsieur cy-après vient à faire quelque chose contre les enfans du roy ou contre l'estat, qu'il sera descheu de toute faction publique sans y pouvoir estre restabli. Noyers demeure en sa maison prèz de la Normandie.
Le ducq d'Anguien avec d'Haillier et Jevres sont à Amiens, auront douze mille hommes d'infanterie, huict mille, ce dit-on, de la cavallerie. L'armée de Bourgogne est à Langres. Le marescal de Guebrian a contremandé la cavallerie qu'on luy envoyoit et
232
attend cinq mille gens à pied. Arang en Catalagne a quitté le party des Fransois et s'est remis à l'obeissance des Castillans. La flotte espagnolle se monstre là sur la coste. On nous dit que le prince Thomas assiege Aste, ou pour le prendre ou pour destourner l'ennemi du siege du chasteau de Tortone. Dieu veuille destourner tout mal de la France et des alliez et nous procurer une bonne paix.Je seray tousjours, monsieur,
vostre tres humble serviteur.
25 Avril 1643.
J'ay recommandé à monsieur le prince, qui preside au conseil du roy, les affaires de madame la landgrave.3 Son Altesse m'a promis de s'y employer. Les lettres de Constantinople nous disent qu'il y [a] à la Porte un ambassadeur du Grand Mogol et qu'on ne craint pas la Perse, puisque le roy nouveau n'a que douze ans.
Bovenaan de copie staat: M. Vicquefort.