Monsieur,
Je ne doubte nullement de la bonne volonté de la reine-regente pour les affaires tant des alliez que de la France. J'ay fait nos recommandations et celles de madame la landgravinne2 à monsieur Bailleul, qui est le premier au gouvernement des finances et monsieur d'Avaux le second, lequel espere tousjours d'aller aux traittez de la paix avecq le duc de
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Longueville et mesme le preceder,3 d'autant que la duchesse de Longueville estant grosse pourra retenir icy pour quelque temps le duc son mari. On doubte qui sera le tiers et mesme on doubte de tout cet affaire, qui a encore des grandes incertitudes. Mais il est bien certain que monsieur de Chavigny s'est demis de sa charge de secretaire d'Estat des affaires estrangers et en a pris recompense de monsieur le comte de Brienne, cy-devant dit de La Villauclerque, qui cy-devant a esté un des autres trois secretaires d'Estat et s'en estoit defait de la charge. Le duc d'Espernon ayant Paris pour sa prison travaille à faire revoir son proces. La duchesse de Chevreuse, belle et gratieuse plus que jamais, a veu la reine-regente. Madame d'Esguillon est à Ruelle, le duc de Ricelieu, fils de Pont-Curlei, au Havre, le duc de Fronsac, cy-devant marquis de Bressé, à Brouage, et esperent s'y tenir.Le duc d'Anguien semble vouloir assieger Theonville, quoyqu'il y ait du renfort entré. On croit que le comte de Guebrian s'y joint, quoyque l'advis de monsieur Ransou a esté de l'envoyer bien avant dans l'Allemagne. Cependant le duc d'Angoulesme guardera la frontiere de la France. Je ne sçay pas bien s'il est vray ce qu'on fait courir icy, que le marescal de La Motte-Odincourt seroit entré dans Arragon et les Portugais à la Castille Vieille, mais bien tient-on pour certain que ceux de Venise et le grand-duc se sont declarez pour le duc de Parme et entrés au Ferrarois, ce qui obligera le pape de faire la paix à l'arbitrage de la France.
Quant au roy de Danemarcq, je croy qu'ayant fait venir Hambourg à des conditions desquelles il se contente, il assistera la cause des rois dans la personne du roy d'Angleterre.4 Sa Majesté a envoyé audit roy cent mille escus5 et fera plus si on le voit disposé au bien general et de la maison palatine. Je ne croy pas que la Suede ait à craindre du costé de Danemarcq6 ou de Pologne, et moins si nous faisons nostre paix avec l'empereur.
Les deputez palatins se transportent de Francfort aux lieux de conferences, la pluspart des princes de l'Empire estants d'advis contre le duc de Baviere qu'on ne doibt pas separer cette cause de la generale. Et le duc de Baviere depuis qu'il a r'acquis les terres sur l'Ens ne parle plus de la paix, ny de la liberté de l'Allemagne, ny de la France et neutralité des cercles, tout cela luy ayant desja servi pour faire ses affaires. Nous apprenons que les trouppes bavaroises sont près de Tubingue, celles du duc de Lorraine près Heidelberg, de don Melos près Mons en Hainau. Coigneux et Montsigot sont restablis dans leurs charges.
Je suis, [monsieur,
vostre tres humble serviteur].
On nous dit que monsieur de Chasteauneuf sera surintendant de la maison de la reine. Les seaux de l'ordre du Saint-Esprit lui sont rendus. On escript aux ducs de Ricelieu et de Fronsac et de Milerai de venir icy. Il y a commencement de seditions en Rouarge. Thionville est assiegée par vingt mille hommes. Nous apprenons aussi que le Grand Seigneur a un troisiesme fils et qu'il y a une guerre civile au pays de Mogol. Que Buquoi vit, mais est tres mal avec les Espagnols. Qu'en Cornuaille par les soldats du roy ont esté pris mille sept cent du party contraire, que d'autre costé ceux du parlement ont pris Wackefield. Que le roy d'Espagne à l'envie de la France a mis son royaume soubs la protection de la Sainte-Vierge, que la femme d'Olivares est tousjours à la cour et bien avecq la reine d'Espagne, qu'il y a des seditions en Arragon.
Bovenaan de copie staat: Monsr. Vicquefort.