457
Monsieur,
Je ne feray jamais rien avecq tant d'affection que de servir à madame la landgrave, qui a monstré une si grande constance et courage, et suis bien aize que le commencement de mes travaux depuis la nouvelle regence n'a pas esté inutile.2 Le decret synodique de l'eglise grecque merite d'estre leu et consideré.3 Il y a icy depuis peu publié de discours sans nom d'autheur, l'un pour reformer le service divin,4 l'autre pour faire de temple,5 où on travaille à la conversion de juifs et gentils par une doctrine simple telle qu'a esté celle des apostres, lequel temple seroit sans image; et qu'il fust permis aux chrestiens qui n'entendent pas les termes scholastiques d'y aller et de participer le sacrament en la forme la plus simple.
Thionville sera pris en peu de jours,6 puisqu'ayant pris une demie-lune dans la fossé et un bastion, on mine le rempart. Cela estant fait il faudra voir ce que feront le prince d'Orange et le marescal de Guebriant.
Le resident du roy d'Angleterre icy a fait feux de joye à cause de la conjoinction du roy et de la reine et deux victoires obtenues par leurs armées, qui pourront donner occasion à leurs Majestez d'aller à Londre si les Escossois ne l'empeschent, lesquels les parlamentaires travaillent à attirer jusqu'à dix mille, leur promettant en proprieté les biens des catholiques romains.
Don Diego de Sauvedra a baillé de lettres pour les donner à la reine-regente de la part du roy d'Espagne. Je ne les ay pas veues encores, mais on m'a promis de me faire voir. Messieurs d'Avaux et Chavigny font un grand equippage et tardent encore, desirant que les Espagnols arrivent les premiers aux lieux destinez. Le roy de Danemarq a escrit à l'empereur et aux princes de l'Empire les raisons par lesquelles il desire que l'affaire palatin se traitte aux lieux de la conference generale. Le resident d'Angleterre travaille afin qu'on fortifie le roy de Danemarq de la part de la France en ce desseing. A Francfort ceux d'Austriche et de Baviere travaillent encore à divertir les electeurs, princes et villes d'envoyer aux lieux de la conference, voulants qu'ils se fient à la conduite de l'empereur, et le duc de Baviere a fait imprimer un escript, fait contre un escript de monsieur Roo. Ceux de Wirtenberg n'ont pas obtenu l'amendement de leur condition qu'ils esperoyent.
Le marescal de Guebrian est selon qu'on dit deux lieues loing du duc Charles et espere de faire quelque chose, nonobstant un petit eschec qu'il a receu. Le duc Charles n'a pas perdu l'esperance de pouvoir retourner son accommodement avecq la France et pourtant le gouverneur de La Motte, qui est deblocquée à present, a fait defence de ne
458
faire aucune hostilité contre les Fransois. Le duc de Baviere n'est plus consideré icy comme cy-devant, tellement qu'on ne fait plus de difficulté de donner le tiltre d'electeur au prince palatin. Les ambassadeurs d'icy, qui passeront par Hollande, auront ordre de faire ouverture à son Altesse electorale d'une ligue offensive et defensive. Le duc de Baviere n'a pas peu lever de gens à Ratisbonne comme il avoit desiré.On nous dit que le marescal de La Motte-Odincourt prend des places en Arragon. Le duc d'Angoulesme se tient près de Peronne. Bucquoy a quitté le Boulonnois. Le duc de Guise cherche à transporter ses benefices à son frere et ne sçait ce qu'il doit faire de ses deux mariages.7 Cependant on a renvoyé les hardes de la comtesse de Bossu, une de celles qui pretendent sur luy, de Diepe vers Hollande. Le gouvernement de Guienne a esté rendu au duc d'Espernon ensuitte de l'arrest du parlement. Le roy d'Espagne est selon qu'on nous dit à Pampelune. Il y a icy des querelles entre les dames de la cour qui attirent les hommes à party. Le duc de Fronsac, c'est-à-dire Bressé, desire de retenir la surintendance de la mer briguée par le duc de Vendosme et le comte d'Harcourt.
Je suis, monsieur,
le vostre.
Le prince Thomas a pris la Ville d'Aste. On croit qu'il va assieger Valence. Au Ferrarois les gens du pape sont les plus forts; au duché d'Urbin le grand-duc a de l'advantage et dit-on qu'il a pris Montilion et assiege Perugia. Mais depuis nous dit-on que les gens du pape ont repris sur le grand-duc Bassignano, quoyque les trouppes du pape ne sont que de dix-huict mille, celles de la ligue près de vingt et cinq. Que ceux de Venise ravagent la coste entre Ancona et l'emboucheure de Po. La Motte-Odincourt a esté forcé de retourner par une nouvelle revolte de Ribargorsa.
Gassion est blessé, voulant plus advancer le logement sur un des bastions de Thionville, et le marquis de Jesvres mort par un mauvais succes d'une mine. On se console par l'opinion qu'on a que le gouverneur de Thionville est mort. Le duc d'Angoulesme a donné icy des advis que Melo et Beck marchent et pourtant il se va joindre au duc d'Anguien.
Le duc de Vendosme aura la surintendance de la mer et on donnera recompense au duc de Fronsac. Le comte d'Harcourt sera grand escuyer et outre ce qui apartient à cet office aura une rente de trente mille livres et promesse du premier gouvernement qui viendra à vaquer. Le mareschal de Guebrian a pris Maredorff, Burchorn et autres petites places près d'Uberlingue. Les Fransois et les gens du duc Charles s'abstiennent d'hostilitez non seulement prèz de La Motte, mais par toute la Lorraine et Bourgogne. La querelle des princesses est appaisée.
Bovenaan de copie staat: M. Vicquefort.