Monsieur,
J'appren[ds] par vostre derniere2 que vostre fils est en intention de venir icy3 pour conclurre son traitté avec le residant de Venise,4 lequel estant un de mes amis je ne manqueray pas de vous servir en tout ce qui me sera possible; surtout tacheray-je que vostre fils puisse avoir sa condotta durant la paix.5 Aussy ne pourra-[t]-il faire ses affaires
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en meilleur temps qu'en cestui-cy, où la Republique est en necessité d'avoir des gens et des bons capitaines, car les papalins luy taillent tant de la besogne qu'elle ne les peut jusques à ceste heur chasser du fort naguerres pris par eux. Au contraire, les papalins s'y fortifient et veulent entrer dans l'estat de Venise avec toutes leurs forces.6 On doubte qu'il y a de la trahison en ce fait, car on a justicié quelques-uns pour avoir mal gardé ce fort perdu; mesme on a deposé le general de Terre Ferme, Pesaro,7 et luy subrogé un autre senateur de Venise, Marco Justiniano, qui doit estre plus aggreable aux soldats. Les François continuent à assieger Trino,8 et ceux de Casal avec les Monferins tiennent bloqué Pondestura, qui est le boulevart de Trino,9 mais nous n'avons pas encor des nouvelles que le nouveau gouverneur de Milan10 se soit mis en campagne pour s'opposer aux François. Voila tout ce que nous avons d'Italie, où il semble que tout le faix de la guerre tombera à la fin.Au reste, monsieur, j'atten[ds] avec grande devotion de vous l'emprunt de ces deux cent dalers, dont je vous ay escrit tant de fois, car ayant engagé le dernier jojau de ma femme pour avoir tant d'argent qui me baste jusques au mois d'Octobre prochain,11 il me sera impossible de disposer plus à aucun emprunt ces gens-cy, et parce qu'il y va de l'honneur de la couronne que je ne demeure en telles peines, je vous supplie, monsieur, de ne me refuser ceste faveur et vous asseurer que je les vous rendray avec mille remerciemens. Aussy feray-vous bien d'en donner advis en Suede, car Dieu m'est tesmoin que je ne puis subsister icy plus à la longue sans une tres grande tache de la reputation de la couronne et ma ruine entiere, mon gage me demeurant dereschef en arriere pour trois ans.
Je me reccommande à vos bonnes graces et demeure, monsieur,
tout le vostre,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 24 d'Aoust 1643.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 20 Sept.
En in dorso: 24 Aug. 1643 Marin.