Monsieur,
Pour toutes nouvelles nous avons icy la mort du prince Thomas que les Espagnols publient à Milan,2 et que son frere traitte d'un eschange contre le conté de Nizze pour en prendre un autre sur le Lionois, dont vous sçauray mieux la verité s'il y en a quelque chose.3 Cependant les François s'estant renforcés des nouvelles trouppes commencent à battre Pondesture avec 14 pieces et esperent d'en venir à but dans peu de jours, encor qu'ils ayent esté repoussés desja d'un assaut qu'ils avoyent donné contre la place.4 Velada se tient sur la defensive et n'a point d'envie de la secourir.5 Sur le Perusien se font des continuelles escarmouches, dont la derniere qui est arrivé aupres de Moulins de Montecorno,6 que les Florentins avoyent voulu surprendre, a esté fort favorable aux papalins, qui leur ayants dressé des embusches en ont tué environs 500 et autant fait prisonniers, gagné 4 pieces de canon, le reste ayants mis en fuite. Un certain Friderico Imperial, frere du cardinal de ce nom,7 qui pro interim commande l'armée du pape, s'est fort signalé dans ceste action. Aussy dit-on qu'il est bon capitaine, exercé aux guerres d'Allemagne. A
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ceste heur les ecclesiastiques battent la forteresse de Petigliano8 et font estat d'attaquer de trois parties le pays du gran[d]-duc, qui pour les en divertir continue la guerre dans le Perusien, et les Venetiens avec le duc de Modene font des diversions dans le Boulonois,9 qui neantmoins sont bien foibles. Le baron de Copet travaille encor pour son passage10 et Ghil de Has, nouvellement venu au service de Venise, doit faire une autre levée de 4 mille hommes.11 Le mesme fait le pape, et le gran[d]-duc, sans qu'on voye aucune apparence de pouvoir faire sitost la paix en Italie comme les Venetiens voudroyent.Je vous remercie de vos bons offices envers l'ambassadeur Ochsenstirn, auquel j'en ay escrit plusiours fois,12 mais je voy que l'envoye de mon argent trainera encor à la longue, de façon qu'il seroit le meilleur expediant que entre cy et là je puisse estre assisté de quelque peu d'argent par vostre moyen,13 car cent ou deux cent dalers n'est pas gran[d]chose de vous en priver pour peu de temps, puisque j'auray moyen de vous les rendre avec mille remerciemens. Amicus certus in re incerta cernitur.14
Je me reccommande à vos bonnes graces et demeure, monsieur,
vostre serviteur tres humble,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 26 d'Octobre l'an 1643.
Adres: A monsieur/monsieur Hugo de Grot, ambassadeur de la reine et couronne de Suede aupres du roy tres chrestien, etc., à Paris. 3 s.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 21 Nov.
En in dorso: 26 Oct. 1643 Marin.