Monsieur,
Ie ne vous sçaurois assez dignement remercier de la grande et sincère affection qu'il vous a pleu tesmoigner envers moy, vostre serviteur très acquis, et ma femme, vostre servante, tant cy-devant qu'à présent. Ayant voulu avoir le soing tant pour moy en me procurant une bonne retraicte quand s'en pourrois avoir à faire que pour ma femme lui donnant le moyen de passer la mer si besoing est, bien seurement l'obligation est tant plus grande que vous m'avez aussi très favorablement voulu faire cognoistre par le roy de la Grand Bretagne2 et par m.r l'archevesque3 à la clémence et bonté desquels ie me sens tellement obligé que toute me vie ie travaillerai à le recognoistre par des très humbles services.
Quant au livret4 dont vostre lettre faict mention, il m'a esté envoyé d'Amsterdam. Ie l'ay faict voir à m.r de Cordes5 tout seul qui l'a faict voir à un président du parlement de Pau6 qui estoit icy lequel l'a porté au père Petau7 qui en a voulu faire une responce.
Ie me souviens d'avoir veu la première pièce escripte de la main il y a dix ans ayant esté faicte par les amis de m.r Rigaut8, à présent conseiller du roy au
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parlement de Mets et son procureur générael en Lorraine, pour soustenir l'interprétation que le dict m.r Rigaut avois donné à un passage de Tertullien9 au livre De Exhortatione castitatis en ces notes mises arrière l'édition qu'il avoit faicte de quelques opuscules du mesme Tertullien10, laquelle sienne interprétation je vois estre receue par les gens sçavants qui sont à Paris sans s'arrester aux contradictions y faictes premièrement par feu l'évesque d'Orléans11 et aprez par le dict père Petau. La seconde pièce n'est qu'une responce faicte sur une question pour quoi St. Jean Chrysostome12 vivant à Antioche qui lors estoit divisée en deux communions, l'une des méletiens approuvez presque part tout l'orient, l'autre de Paulinus13 soustenue par Rome, avoit pour quelque temps trouvé bon de s'abstenir de l'une communion et de l'autre. I'escrirai fort volontiers à Amsterdam à ceux qui ont ramassé ces deux pièces, desquelles le libraire a espéré quelque gain d'y adiouster les restrictions qui y pourroient estre réquises quoiqu'il me semble que le passage de Tertullien porte quant et soi sa restriction, pas mal expliquée par l'histoire de Frumentius14 et qu'un lecteur advisé sçaura bien considérer que le faict, soit de Chrysostome soit d'Hierosme15 doibvent estre pris avecq toutes les circonstances qui résultent de l'histoire.A la vérité ie trouve qu'en noz temps en certains pays les confessions, décisions catéchismes contradictoires et condemnatoires l'un de l'autre et les gouvernements estranges qu'on a introduict à l'église révoltes enseignées soubs le nom de la religion peuvent mettre en peine un chrestien ayant les affections vrayement
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catholiques, quel part il doit prendre. Laquelle considération cependant n'ayant lieu qu'en certains endroicts ne m'empeschera iamais de recognoistre mesmes par les escrits que ie pourrai donner cy-aprez au public et la révérence qu'on doibt aux prélats de l'église et la grande efficace de la communion sacramentelle.Nous avons le bonheur de voir quelques fois chez nous monsieur Turner16 à mon grand proffit et contentement et ioignons ensembles noz douleurs sur ces mauvais remuements d'Escosse priants aussi le bon Dieu de vouloir fortifier par son bras la puissance royale afin que ce grand roy de la Grand Bretaigne puisse heureusement gouverner et les estats et les églises de ces royaumes à l'exemple de Constantin17, des Théodoses18, Marcien19, Iustinien20 et Charlemagne, en mainctenant aux dictes églises l'ordre institué par les saincts apostres et approuvé manifestement par le sainct Esprit dans l'apocalypse. A ces voeux i'adiousterai ceux que ie fais incessamment pour la santé et prospérité de vostre III.té et pour madame21 sa compagne m'y sentant obligé par une infinité des bienfaicts comme aussi pour estre à iamais
de vostre Illumité le très humble serviteur.
A Paris, le 6/16 Avril 1639.