Monsieur,
Sur ce que le duc de Bouillon passe à Rome2 par les Petis Cantons et le Milanois quelques-uns ont voulu doubter de la paix entre le pape et les colligués,3 mais l'ambassadeur de France me mande de Venise4 qu'asseurement elle s'y devoit publier le premier de ce mois selon le nouveau style et qu'au mesme pour le semblable se feroit en toutes les villes des princes interessés, mesmes à Rome. Dieu veuille qu'avec la mesme facilité elle se face à Munster, car pour moy j'en doubte fort que quelque chose de bon s'y face. Uberlinghen peut tenir encores 4 sepmaines,5 mais il y a un bruit qui court icy que les Bavarois s'en estant retirés sont allés assieger Brisac et qu'ils l'ayent pris à cause que les mutins n'ont pas voulu se defendre. C'est un advis bien paradoxe, mais qui est fort probable veu l'estat auquel se trouve Brisac à present,6 et si la France n'y donne bon ordre pour le payement il n'en faut attendre rien d'autre. Le prince Thomas ne fait rien encore,7 et les Espagnols faute d'hommes et d'argent demolissent Annone, Arazzo, Sandaval,8 mais Santia ils ont de nouveau pourveu de tout,9 aussy bien que Vercelli, pour con-
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sumer les François à l'attaque de ces deux places; surtout met-on bon ordre pour la conservation du Final, que les François menacent.10Le roy de Perse est mort sans heretiers de ce gran[d] pays,11 dont les principaux doivent avoir esleu un autre d'entr'eux en sa place, et en celle du premier visyr massacré12 a succedé le passa de Damasco, homme de gran[d] courage,13 ayant fait dire à l'agent de l'empereur que si en terme de 40 jours son ambassadeur ne viendra à la Porte14 avec le tribut deu, on luy denonceroit la guerre.
Icy tout est en paix, mais le gran[d] froid a tellement gasté les vignes, le blé et les fruits qu'il y a grande apparence d'une famine, dont l'apprehension me faira partir d'icy tant plustost qu'on ne m'envoye en peu de temps un bon change, à quoy toutesfois il y a peu d'apparence.
Je me reccommande à l'honneur de vos bonnes graces et demeure, monsieur,
vostre serviteur tres humble,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 2/12 de May l'an 1644.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 25 May.
En in dorso: 12 May 1644 Marin.