Monsieur,
Sans quelque récidive de mon indisposition, qui, grâces à Dieu, est maintenant disparue, je ne fusse pas entré si avant dans ce nouvel an sans vous le souhaiter heurueux, comme je fay de très bon coeur, et à tout ce qui vous est cher; l'affection que je porte à vostre personne et mérite m'accompagnant tousjours de mesme teneur pour ne m'en dédire jamais. Au surplus je suis obligé par nostre amitie réciproque de vous faire part de ma joye par l'heureux retour de mes quatre filz prèz de moy, aprèz une pérégrination de trois ans sous la conduite de mons. Prioleau2, qui s'en est dignément aquité, les ayant préservéz et soy mesme de tous les escueilz de l'Italie, où ilz ont séjourné partout où il y avoit à aprendre, et partout ailleurs veu et remarqué ce qu'il y avoit de rare dont jusques au plus petit ilz sçavent rendre bonne raison. Pour leurs estudes, qui est le principal, je les ay trouvéz plus avancéz que je n'eusse estimé. Mais ce qui me plaist davantage en eux, c'est de veoir leurs inclinations portées à hayr le vice, l'ignorance, et l'oysiveté, trois sortes de maux qui d'ordinaire infestent la jeunesse. Ils sont maintenant bien ocupéz à ruminer et revoir ce qu'ilz ont apris tant es humanitéz, en philosophie, qu'en droit, pour recuire ce qui peut estre n'estoit pas encor assez bien digéré, à quoy ilz employeront quelques mois, cela fait j'espère, avec l'ayde de Dieu, mener les deux plus grandz3 à Paris, mesmes vous les mener, affin de vous asseurer, comme je l'entens, qu'ilz me succéderont au désir de servir vous et les vostres, et qu'ilz s'efforcent aussy d'estre mes héritiers en vostre bienveillance. Cependant je prens tous les plaisirs du monde à rajeunir avec eux, les oyant repasser avec si bonne méthode et présence d'esprit, ce qu'avec confusion et sous moins bons directeurs j'avois autresfois gousté; ce mien repos estant encor assaisonné de ce contentement de surcroist, et de l'espérance de les veoir quelque jour gens de bien, utiles à leur patrie, et à nos chers amis.
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Pour ce qui est du public je n'en aprens rien que par intervales et à bastons rompus, soit du nostre, soit du vostre, auxquelz je désire égale prospérité. Mais je déplore infiniement de ne veoir pas grand acheminement à l'un ny à l'autre par ce qui nous en paroist et vous m'obligeriez bien fort de me dire comment il en va du costé des Provinces Unies, d'où je n'aprens rien que fort rarement et encor plus imparfaitement, souhaitant tousjours qu'en ceux qui y peuvent et ont intérest au salut de la patrie ce bon désir naisse de la restablir en meilleur estat, ce que je ne verray jamais assez tost à mon gré.
C'est où je finiray par saluer humblement vos bonnes graces et de mad.lle vostre femme, comme fait la mienne4, qui est tousjours indisposée; vous priant me croire tousjours
Monsieur,
Vostre bien humble et plus fidelle amy et serviteur
Dumaurier.
De la Fontayne dangé ce 17.e Janvier 1627.
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius A Paris.
In dorso schreef Grotius: 1627. 17 Ianuarii Maurier.