Monsieur,
Je n'eusse pas tardé si long temps de vous offrir mon très humble service que je dois et à vos vertus excellentes et au lieu éminent que vous tenez de la part de la couronne de Suède, n'eust esté que depuis quelque temps ie n'eusse rien faict que tracasser avec monsr. le grand chancellier2 de Champagne à Compiègne, où estoit le roy3 et la cour, de là à Paris et de là sur le chemin de Rouen, d'où mondict Sr. le chancelier m'a renvoyé icy à Paris pour y achever quelques affaires et de là aller là, où sera le roy, pour y recommander les affaires des amis de la couronne de Suède entre lesquels vous et vostre très illustre maison y tenez le premier rang.
Ce que i'auray à négotier en cela est désià facilité de beaucoup par le nouveau traitté que monsr. le grand chancellier a faict4 de la part de la reine de Suède5 avec le roy de France lequel et en la réception et en l'audience donnée et au traictement ordonné et au présent donné de sa main a tesmoygné à mondict Sr. le chancelier la grande estime qu'il faict de ses rares et admirables qualitez tellement que i'espère que le nom de Suède sera deresla avant icy en la considération qu'il doit estre, ce qui ne pourra estre que très utile à tous ceux qui par amitié et bons services se sont nouez à la dicte couronne.
Monsr. le chancelier est à cette heure à Rouen où il attend l'arrivée des navires de guerre d'Hollande à Diepe pour de là passer la mer. Et puisqu'il se doit servir des navires des hollandois il y a de l'apparence qu'il ne se pourra excuser de voir en passant monsr. le prince d'Orange6 et ces messieurs qui gouvernent ceste puissante république, de laquelle conférence i'espère de grandes utilitez pour la cause commune.
Le roy est allé à Peronne et de là à St. Quentyn et tout le monde est icy en grande attente de le voir en peu de iours prendre ouvertement les armes contre l'Espagne et la maison d'Austriche, laquelle opinion est confirmée non seulement par les grands préparatifs qu'on voit icy des armées et des navires de guerre, mais aussi par le départ de l'ambassadeur espagnol7 d'icy sans avoir voulu prendre du roy ny congé ny présents.
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Je ne manqueray pas, monsieur, de vous advertir soigneusement de ce qui se fera icy et mesmes des apparences vous priant pour le service commun de me vouloir faire l'honneur de m'informer de ce qui arrivera en vos quartiers, afin que de cela ie prenne subject où d'encourager le roy et ses ministres par les bons succes, où des maux en solliciter les remèdes.
Cependant ie ne lairray pas, monsieur, de désirer avec impatience et de pourchasser les occasions de vous servir et principalement en l'affaire qu'il vous a pleu me recommander et de prier Dieu qu'il luy plaise par sa providence favorable bénir vostre conduite et tiendray à félicité,
Monsieur, d'estre tenu pour
Vostre serviteur très
humble et très obéyssant.
A Paris, le 9. du May 1635.
Le roy a rappellé son résident de Brusselles8 sans y envoyer un autre.
La gazette9 vous dira, comment l'ambassadeur d'Espagne est party d'icy sans avoir prins congé du roy ny accepté ses présents. Et un[e] autre plus récente vous asseurera d'un affaire de plus grande importance qui est la défense du commerce entre l'Espagne et France10, présage fort ordinaire d'une guerre.
Monsieur le prince d'Orange commence à revenir de sa goutte. Le rendevous est à Nieumegen et l'intention, d'autant qu'on peut cognoistre, de s'approcher à l'armée du roy.
L'Anglois11 en est ialoux et en a prests vingt et sixs navires pour faire voile, quand ils seront commandez.
En Hollande on a opinion que Mansfeld12 viendra descendre vers leurs quartiers.
Les Espagnols assemblent leurs gens prest de Diest et de la rivière de Nette.
Adres: Mons. le Ringrave, lieutenant-général pour la couronne de Suède.