Monsieur,
En contre-eschange de la vostre très aggréable du 16 d' 8bre2 je vous envoye deux autres pour monseigneur le gran chancelier3, l'une de Constantinople, l'autre de moy, lesquelles par estre tant plus asseurement portées à Paris ie reccomanday à monseigneur le duc de Rhuan4 qui m'a promis de les vous faire tenir prontement, vous suppliant bien humblement de m'en donner un récépissé le plus tost qu'il sera possible. Je vous asseure qu'elles contiennent des très bonnes nouvelles qui resiouiront grandement le surdit seigneur gran chancelier aussy bien que tous les gens de bien de son party.
Quant à celles de nostre quartier ie vous ay desià advisé par ma précédente5 comme l'arrièregarde des impériaux6 qui s'estoyent retranchez dans le val de Levin pour y attendre le gros de l'armée qui estoyent desià en chemin, a esté taillez en pièces, plus de 1500 hommes estant demeurez sur la place morts, avec une quantité de grenades, piques et autres munitions, ayant par ceste desfaite rompu et leur desseing et la conjonction d'un' armée, à ce qu'on nous a escrit, de 15m hommes en tout. Quoy fait il est allé combattre Cerbellony7 retranché à l'entour de Morbegno avec 6m hommes de pied et 8 comp.s à cheval, lesquels après un sanglant et obstiné combat il a mis en desroute, les Espagnols ayant en telle haste à se retirer qu'ils ont laissé au camp et leur argent et bagage. Entre les morts fust trouvé le comte de Seconde8 et le nepveu du Cerbellony, comte de Valence9, fait prisonnier. Au reste on croit que du costé des François est demeuré plus de morts comme qui pouvoyent estre grandement chargez d'une muraille que les Espagnols avoyent à son advantage, mais finalement ne pouvant soustenir la furie françoise et abbandonnez de sa cavallerie qui aussytost se mit en fuite, ils furent contraints de
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se retirer en grande confusion, qui à Fuentes que dans le Vénétien, sachant tout an proye aux François qui chargez de gran butin, retournèrent victorieux à Tyran pour attendre de plus près ce que les impériaux voudront entreprendre du costé de Tyrol. Jusques à présent ils ne se remuent plus, et tournant en derrière il est vraysemblable qu'ils tâcheront de passer par Steig ou bien par la Suisse, les Petis Cantons ayant à ce qu'on croit promis le passage par le Gotard.Cependant ce gran succez des armes du roy10 élevera grandement le courage des princes d'Italie, abbatus par la retraitte des François du siège de Valence où les Espagnols ont introduit du secours qui rendit la place imprenable à cause de pluyes continuelles, et estant le reste des villes du milanois bien pourveu de tout, les François trouveront bien de la peine à la prendre par force, qui à mon advis n'est pas suffisante en Italie à celle d'Espagne, soustenue et par l'empereur11 et par les estats voisins de Naple, Modène, Toscane, qui envoye 4m hommes. Ils se renforcent néantmoins dans le Monferrat, [en] intention de combattre les Espagnols en campagne, avec quel succez le temps nous apprendra.
Mais pour meilleure de toutes ces nouvelles ie tiens celle de Constantinople qui porte gran apparence d'une paix entre le Persien12 et le Turc13, par la succession duquel et non pas autrement nous obtiendrons14 une telle paix que la France et la Suède désirent.
Sur ce ie me reccomande à vostre bonne grâce et tiens à gran faveur d'estre conservé en icelle comme celuy qui suis, monsieur,
vostre redevable serviteur
Marini.
De Chiavenne, ce 6/16 de 9bre 1635.
In dorso schreef Grotius: 16 nov. 1635 Marini.
En boven aan de brief: Rec. 19 dec. n. st. 1635.