Monsieur,
D'un costé le respect et la crainte de vous estre importun me retiennent de vous escrire plus souvent; de l'autre le devoir, et pour ne vous sembler ny demeurer ingrat envers vous de tant de faveur que je reçois de vous, m'obligent à vous remercier derechef par celle-cy de tant d'affection qu'en toutes rencontres et à toutes occasions vous tesmoignez à monsieur Daillé2 - ainsi qui'l m'escrit - avoir de ma povre Critique3, pour l'édition et publication d'icelle, jusques à offrir de vostre grâce, vostre employ et recommendation pour cela vers monsieur Vossius4 à Amsterdam.
Je suis véritablement tout confus d'une si particulière faveur que j'eusse desjà sans difficulté acceptée et embrassée à deux mains avec très humbles remerciments, sinon que cest oeuvre semble me requérir quasi nécessairement pour correcteur pendant l'imprimer, non seulement pour la grande quantité de passages grecs et hébreus dont il est tout cousu et tissu, où manque de les bien entendre il se peut commettre de grandes fautes, mais aussy pour ce qu'il est tout plein d'abbréviatures es quelles il est aisé de se tromper. Mon Arcanum5 est beaucoup moins plein de citations et la copie en estoit bien plus lisible et nette et néantmoins quoy que monsieur Erpenius6 eust soin de la correction, et qu'il fust extrème-
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ment affectionné envers l'oeuvre, il s'y est nonobstant coulé et echapé tant de faultes qui le difforment, que j'en suis en les lisant tout honteux. C'est pourquoy je désireroie fort estre moy-mesme le correcteur de ceste Critique ce qui ne se peut s'il ne s'imprime icy ou à Paris, là où en ce cas je me transporteroie pour cela. Ici nos libraires ne le veulent entreprendre si je n'ay un privilège, ou qu'on leur donnast une bonne somme d'argent; quant à ce dernier je n'ay pas la bourse garnie pour cela. Pour un privilège il ne se peut obtenir qu'à la sollicitation et recommendation de quelque bon catholique, ce qu'il ne sera qu'en ostant du livre tout ce qui peut offenser Rome, ce qui est peu.Je suis donc aprez pour tascher d'avoir ce privilège et agis vers monsieur de Muis7, professeur du roy en hébrieu pour avoir son approbation, pour après poursuivre au conseil le dit privilège, en quoy si vostre faveur et crédit peut quelque chose poor cela, je me promets de vostre affection toutes bonnes choses, et vous en auray une très particulière obligation. Si ce privilège ne se peut avoir, alors il faudra voir si à Leyde ou à Amsterdam cela se pourra imprimer, et c'est là que je ne refuseray pas vostre gracieuse offre de recommendation vers monsieur Vossius ou autre que jugerez à propos.
Et ici finissant par mes très humbles baisemains je me diray comme je suis véritablement, monsieur, vostre très humble et très obéissant serviteur
L. Cappel.
De Saulmur, ce 11 Janv. 1636.