Monsieur,
Il y a deux jours, que m'est parvenue la vostre très agréable du 4/14 Décembre, dont je vous remercie, et principalement du soing qu'avez voulu prendre de m'instruire si particulièrement de ce qui s'est passé avecq l'ambassadeur de France2 et des victoires, que Dieu a données a nostre party jusqu'à ce temps-là. Ce qui s'est passé à Colmar et aux environs, vous le verrez dans une lettre de monsieur de Thou3, l'intendant4 de la justice et des finances du roy5 en l'armée du cardinal de la Valette6.
Le duc Bernhard7 a défait près de Bouvigny quelques huit cents des ennemis et sollicite icy par ses gens du secours contre l'ennemy, qui en ces endroits est si puissant, qu'il a osé8 assiéger Longuy, lieu situé entre Lutsenbourg et Verdun.
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Le duc de Rohan9, voulant attaquer Curcy près du fort de Fuentes, en a esté repoussé: cependant que les François courrent l'Alexandrin, et que les trouppes du duc de Parme10, qui jusqu'à trois mille sont arrivez à Plaisence, cherchent d'entrer dans le Laudois et Cremonois.
Quatre mille impériaux ont passé les montagnes, et sont arrivez aux terres de Milan. Six mille hommes d'infanterie et deux de cavallerie se préparent à faire le mesme passage. Le roy fait estat d'avoir cette année vingt mille hommes dans l'Italie, qui seront à luy, outre ceux des ducs de Savoye11 et de Parme, pour attaquer l'Espagnol du costé de Milan, de Cremona, et du lac de Como. Faisant tant d'efforts ils espèrent, qu'en quelque lieu ils auront la fortune favorable.
Voilà les nouvelles du temps. Cette année nous en produira bien d'autres, si la paix, à quoy on travaille à trois endroits, à Rome, à Lunebourg et à Turnhout, n'en couppe le fil.
Je vous prie, monsieur, de me tenir toujours pour
Votre très affectionné serviteur
H. Grotius.
Le 4/14 Febr. 1636.
Monsieur Servien12, un des quatre secrétaires d'estat, est demis de sa charge et confiné à Saumur. Longui est pris sans doute.