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Monsieur et très cher ami,
Aussi tost que i'eus touché les cens livres dont vostre charité me daigna assister il y a environ 4 mois, ie me proposay de vous tesmoigner l'obligation que i'en ressens d'autant plus grande que sans cela nous eussions souffert des incommoditez fort grandes. Mais celuy qui vous devoit porter mes lettres avec quelques livres nouveaux, ayant venus son voyage de fois à autre, ie me trouve reduit à la nécessité de vous demander pardon d'un si long delay, et d'accepter l'occasion que le fils de monsieur Niellius2 m'a offerte en attendant le retour d'un gentilhomme polonois3 qui vous portera de ma part des lettrez plus amples avec les livrez susdits dont le frère de monsieur Grotius4 a desià eu communication.
Je ne sçay s'il vous les aura communiquez, mais mon dit sieur Grotius m'a asseuré de les luy avoir envoyez à ce dessein se plaignant de ce que vous ne respondez rien aux Cameronistez5 qui triomphent icy de vostre silence comme vous pourrez remarquer en la response du sieur de la Milletière6 à une lettre du sieur du Moulin7. Il me dit mesme qu'il en avoit souvent escrit à vos amis, mais que vous sembliez mespriser ses advis, et restreindre vos soins dans les limites des Provinces Unies sans vous soucier beaucoup de ce qui se passoit ailleurs au préjudice de nostre cause.
Ces propos m'ayans donné de l'esmotion pour vous, ie luy repartis que vous n'estiez pas homme pour demeurer sur ces termes, et que par adventure n'avoit-on le moyen de faire imprimer autant d'oeuvres qu'il en pourroit partir de vostre main.
Quoy qu'il en soit ie n'auray iamais cette opinion de vous que vostre silence procède de négligence en une matière si importante à la pratique de piété pour laquelle vous avez desià subi tant de travaux et de pertes.
Aussi espère-ie que le temps vous garentira de ce blasme, et sur cette confiance ie vous prieray de me mander quelle est vostre résolution.
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Cependant vous m'obligerez de dire à monsieur de Courcelles8 que ie luy rescriray par ce gentilhomme polonois qui m'apporta des lettrez de sa part il y a environ 4 mois. Aussi vous prie-ie de dire à monsieur de Limbourg9 que quand il aura receu de l'argent pour un autre gentilhomme polonois, nommé Chikowski10, ilm'obligera de m'en donner advis au paravant que de luy envoyer, et de m'addresser mesme le pacquet, afin qu'il ne me puisse pas tromper comme cy-devant. C'est l'un des deux que vous me recommendastez il y aura 2 ans au mois de juillet, lequel ayant demeuré chez moy l'espace d'un an. I'ay esté contraint de luy donner congé à cause des grandes desbauches et insolencez ausquellez il s'est addonné depuis le retour de son camarade. Vostre considération et celle de monsieur Ruarus11 m'en ont fait supporter beaucoup de desplaisir. Car le voyant reduit à la nécessité de ne pouvoir payer ses exercices, et d'estre par adventure mis prisonnier. I'ay respondu pour luy sur la promesse qu'il m'a faite de les payer aussi tost qu'il auroit receu de l'argent. Cependant il a receu cinq cens dalers à mon desceu, et sans satisfaire à sa promesse, de quoy ses créditeurs sont faschez contre moy. Je n'eusse iamais creu que des enfans nourris sous une si bonne discipline se fussent gaster iusqu'à ce point que de ne souffrir aucune remonstrance, et de s'estre abandonné à toutes dissolutions et paillardisez. Il vaudroit beaucoup mieux demeurer en son pays que d'en sortir sans la conduite de quelque homme de bien et de respect.
Au surplus ie vous apprendrois volontiers de bonnes nouvelles de nostre estat, mais le temps est si mauvais et les parties si peu affectionnées à la paix qu'il y a grande apparence qu'on continuera encores la guerre à nostre grand dommage.
Monsieur frère du roy12 et monsieur le comte de Soissons13 se sont retirez de la cour mescontens, le dernier à Sedan où il est encores, et le premier à Blois où le roy s'estant acheminé, il est venu au-devant de luy à Orléans et s'est accordé ie ne sçay pas encores à quelles conditions. On craignoit fort une guerre civile, mais cette entreveue des deux frères semblent en avoir esté toute appréhension. Dieu les veuille tousiours maintenir en concorde et tellement disposer les coeurs de tous les princes à la paix que sous leur domination nous puissions cy-après mener une vie paisible en toute piété et honesteté. Tel est le souhait que ie fais pour le public et pour le particulier.
Ie prie Dieu qu'il ..t un soin aussi particulier de vostre conservation que vous désirez et que ie souhaitte en qualité, monsieur,
de vostre très humble et
très affectionné f. et serviteur
E. Mercier.
De Paris, ce 13 febvrier 1637.
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Mad.elle vostre chère moitié14, messieurs Vtenbogaert15, Niellius, de Courcellez et tous les autres amis trouveront ici salutations, et ie vous prie de les leur vouloir présenter à la première rencontre.
Adres: A Monsieur Monsieur Simon Episcopius P.E. TH. à Amsterdam.
Sous couverte.