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Monsieur,
Par l'ordinaire passé i'ay fait responce à la vostre du 9/19 d'8bre passé2, cellecy est pour accompagner les encloses que ie vous supplie vouloir envoyer par promte adresse.
Messieurs les François ont derechef laissé un très mauvais épitafe de leur prouesse auprès du Rhin où on les a surpris dans les retranchements sans aucune résistance à ce qu'on escrit. Sperreuter3 en a eu la conduite, qui par la nonchalance des défein[dans] dans un passage de telle importance et si bien fortifié, luy est fort facilement réussue; aussy en fut-il despêché par le duc Savelly4 à Vienne pour en porter la nouvelle à l'empereur5 duquel il espère recevoir une bonne récompence.
Cela causera un très mauvais goust partout et descouragera de beaucoup les Suissez assemblez à Bade, où ceux de Zurig ont exprez ordre de pousser les autres cantons à l'interposition de leur estat envers les deux partys qui sont en guerre, pour faciliter une bonne paix et à la fin se ioindre contre ceux qui ne la voudroyent point.
Le canton de Zurig est fort de bonne volonté en cest affaire, mais les autres protestants craignent de se mesler des affaires des princes, surtout voyant la pluspart des cantons cattoliques tout à fait portez pour le bien des Austrichiens, l'intérests desquels soubs main ils avancent à leur possible, et ores tâchent par une députation vers le duc de Veimar6 d'intercéder pour l'évesque de Obentrout7 se fâchans qu'il ait pris ses quartiers d'hyver dans ses terres qui sont soubs leur protection.
Il y a encor un autre empêchement qui destourne les Suisses de toute bonne résolution pour le public. C'est qu'ils sont divisés par tant de factions et discordes domestiques, qui sont parmy eux, et ne peuvent estre jusques à présent amiablement accordées, nul des partys voulant quitter ses prétensions.
Le canton de Glaris, qui est meslé de l'une et l'autre religion, ayant depuis longtemp administré les baillages de Nuz et Castor indifférement ores les cattoliques, poussez par ceux de Suiz, gens extrêmement bigots et d'affection Espagnols, en veulent exclorre les protestans, qui depuis quelque temps ençà n'y sont admis contre leurs accords et loix enciens: d'où vient aussy qu'eux pour s'en venger se sont saisis du baillage de Verdembergs qu'ils gouvernent par des gens seulement protestans.
Un autre différent qui n'est pas moindre survient depuis peu entre ceux de
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Suiz et l'abbé de S. Marie8, les sujects duquel ils veulent forcer aux certames contributions pour payer les deubtes qu'on a préça faits sur l'affaire de Keslerin9, prétendans avoir la souvairenité sur eux, à quoy le susdit abbé come qui prétend estre le souverain magistrat dans son territoire, s'oppose de telle hardiesse qu'il menace le canton de Suiz de la guerre et de vouloir appeller à son secours tous les princes cattoliques plustost que s'assujettir à une telle, come il voit, indignité.On tâche de les accorder en la présente assemblée de Baden; avec quel succez ie vous en donneray part aussy bien que des affaires des Grisons qui plusjours fois exhortés par les Suisses à démolir les forts de Rhin et de Steig, ne l'ont pas encor fait, moins communiqué à eux les conditions de leur alliance avec l'Espagnol qu'on supprime à desseing.
En Italie on ne fait chose digne de cognoissance, à cause de la saison qui y est ores mal propre aux armes.
Pourtant ie finiray aussy la présente en vous baisant très affectueusement les mains et demeurant quand et quand, monsieur,
Marin.
Tout le vostre
Marin
De Zurig, ce 9/19 de 9bre 1637.
Onder aan de brief: M.r Grotius.
In dorso schreef Grotius: 19 Nov. 1637 Marini.
En boven aan de brief: Rec. 9 Dec.