Monsieur. Vous ayant assez amplement escrit naguieres en response à vos précédentes, j'ay maintenant à accuser la réception de celles du XX du passé, et à vous rendre très affectionnéement graces de l'affection qu'il vous a pleu témoigner à mes deux petitz en leur passage à Paris, mesmes d'avoir pris la pene d'en escrire à Monsieur Vossius, auquel je suis résolu de commettre leur éducation, sachant qu'à la science et industrie, qu'il y a très grandes, il voudra joindre l'affection, ce que je me prometz principalement de vostre favorable recommandation,
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laquelle je vous supplie luy réïterer à ce qu'il entreprenne particulièrement la culture de ces jeunes plantes. Vous avez veu un honneste jeune homme2. qui sçaura bien suivre ce que le dit sieur Vossius prescrira pour cet effect. Mais je désire que comme excellent pilote il veille tousjours tenir en sa propre main le gouvernail de cette barque, surveillant assiduellement ce qui m'y est si cher. J'ay pareillement receu l'inscription3 digne certes de celuy qui en a pris la pene, et vous en remercie de tout mon coeur, attendant que je le puisse autrement qu'avec des parolles. Par cette mesme voyë j'ay receu par addresse de Monsieur du Puy la belle et rare pièce que vous avez donnée à Monsieur de Thou4, par laquelle outre les choses exquises dont ell'est toute remplie, vous monstrez bien que vostre amitié envers feu Monsieur son père n'est pas morte avec luy. C'est une très belle et proffitable leçon, qui comprend tout ce que l'homme peut et doit apprendre, pour estre proffitable non seulement à celuy auquel ell'est addressée, mais aussy à toutes les ames bien nées et enclines aux lettres.Pour le public il n'y est rien survenu depuis mes dernières, les choses demeurans tousjours en mesme incertitude. Touchant les intercessions en faveur du Cretensis5, si qui velint decipi, decipiantur, mais il ne dépouillera jamais sa fausse peau s'il ne se faict escorcher, monstrant encor tous les jours es occasions présentes qu'il a du venin pour toute sa vie contre la France dans son coeur, ce que je ne dissimule pas où besoin est; reste que l'on s'en garde. Au surplus je voy vostre libératrice sur le point de s'aller rendre vostre prisonnière6, de quoy je ne l'ay pas découragée, m'asseurant que vous luy ferez bonne guerre, vous ressouvenant qu'elle l'a esté avec vous et pour vous. Pour moy il ne défaut, aprèz ce que je pleure tous les jours, à mon contentement que d'apprendre la cessation de ce malheureux trouble, moyennant quoy j'espérerois vous aller embrasser dès cette année, et vous protester de vive voix que nul plus que moy n'est
Vostre bien humble et tres affectionné serviteur
Dumaurier.
De la Hayë ce 4c d'Aoust 1621.
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius A Paris.