Monsieur, Je vous envoye le projet de response que j'avois conçeu sur ce que Bonfadius2 a calomnieusement escrit, en quoy je me suis contenté de narrer simplement la vérité, que j'estime avoir assez d'ornement de soy mesme. Je remets entièrement cela à vostre bon jugement, sçavoir si vous estimez qu'il y deust estre adjousté ou changé quelque chose, à quoy j'acquiesceray très volontiers, ou bien si comme il m'avoit esté conseillé, je lairrois mourir cette imposture d'elle mesme, sans me mettre au hasard de luy donner peut estre plus de vie en la relevant. J'ay faict cela par forme d'une lettre comme pour satisfaire là dessus un Ambassadeur qui m'en auroit donné adviz, et avois pensé, aprez en avoir eu vostre adviz, si j'en ferois seulement tirer une cinquantayne, ou cent coppies, affin d'en faire tomber une es mains du faussaire, et quelques autres à ceux que je pourray sçavoir avoir esté en France et icy curieux de son escrit. Je me remetz entierement pour cela à ce que vous et Monsieur Tilenus en trouverez bon, vous priant d'en
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tailler et rongner comme d'une estoffe dont vous pouvez disposer. J'attendray donq de sçavoir la dessus vostre bon adviz, pour m'y conformer. Le Roy en a escrit à Venize à son Ambassadeur. Mais je n'en ay point encor de response.Il me tarde fort au reste que je ne sçay arrivée prèz de vous celle que vous y attendiez; et que vous ayez receu par addresse de Mr. le président Jeannin ce dont j'ay escrit à M. Tilenus. Enfin les sujectz de Sa Majesté complaignans pour déprédations s'en retournent les mains vuides, comme je l'escry à Messieurs le Chancelier3, Jeannin et de Boissize. On a bien plus d'egard à contenter le Roy d'Angleterre vers lequel le Cretensis4 a brigué d'aller; on tient que là dessous aliquid latet quod non patet. Il se vante déjà que l'Ambassadeur du Roy en Angleterre luy rendra les honneurs ordinaires comme s'il les avoit méritéz par sa vie. Je touche aussy cette particularité où besoin est. Les armées sont tousjours campées prèz l'un de l'autre et dict on que le Marquis5 sera pour camper tout l'hyver où il est, qui obligeroit M. le Prince d'Orange à faire le mesme avec grande pene et depense. Le Conte Henry de Berghes6 est toujours es environs de Julliers qu'il pretend affamer sans le presser d'avantage. Don Inigo de Borgia a failly une entreprise sur l'Isle de Casant7, dont on est aussy joyeux pardeca, que l'on y est marry d'un traicté ou l'on dict que le Comte de Mansfeld8 est entré avec l'Empereur, qui n'a guieres déféré jusques icy aux instances du Milord Digby9 en faveur du Palatin. Il ne me reste qu'à saluer humblement vos bonnes graces et vostre moitié, avec asseurance que vous m'esprouverez estre toute ma vie,
Monsieur, Vostre bien humble et tres affectionné amy et serviteur
D.M.
Ce 27e. 7re 1621.
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius A Paris.