Monsieur. Les déplaisans sujectz que le temps a fourniz depuis trois moys m'ont tenu en silence aussy bien que vous, n'ayant presque sçeu par où commencer pour entrer en propos de ce qui s'est passé, que je souhaiterois pouvoir estre aussy facilement redressé que justement regretté. Je ne vous sçaurois dire combien je plains la précipitation dont l'on a usé pour courir à des remèdes par moyens préposteres, qui, mauvais en soy, portent très notable préjudice à force gens de bien autant innocens qu'ignorans de tout cela. Si ceux qui se sont abysmez dans ce gouffre eussent consulté des ames esmeues à pitié de leurs calamitez et cognoissantes le train des affaires, ilz eussent évité ce naufrage, et receu très grand bénefice de leur patience et du temps, mais en le voulant prévenir ilz se sont acablez de ruyne. Cependant les gens de bien qui se sont tenuz eslongnéz de cette contagion ne laisseront de posséder leurs bonnes consciences, qui leur serviront de perpetuel banquet. Pour la mort de Mons. Jannin je la plains pour le public et pour vostre particulier sachant la parte que l'un et l'autre y fait, mais j'espère que Dieu vous en suscitera d'autres pour appuyer ce qui vous est nécessaire, à quoy je voudrois autant pouvoir contribuer, comme je vous honore et souhaitte
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vostre soulagement. Et puis vous sçavez que nous vivons en un temps auquel chacun souffre quelque droit qu'il ait peu marcher, et j'en sçay dire quelque chose, toutesfois Dieu m'a fait la grace que cela ne trouble pas mon contentement à l'égal des maux que le public souffre. Quant à mes petitz ilz vont assé bon train, Dieu mercy, et pleust à Dieu fussent ilz eslevéz en vostre voysinage et de vostre camerade2, car je sçay qu'ilz en sentiroient meilleur toute leur vie; aussy bien où ilz sont, hors le bien de me veoir quelques fois, ilz ne sont pas mieux qu'ailleurs, et en quelque sorte pis. Cependant je leur répute à benediction que vous les teniez en vostre souvenir et qu'ilz soient aymez de vous et de Monsieur T.3, ce que je leur conseilleray de mériter en s'en rendant aussy dignes qu'ilz doivent estre pour la possession d'un tel bien. Il ne me reste qu'à vous présenter les humbles recommandations de l'Ambassadrice et miennes à vos bonnes graces et de Mademoiselle vostre femme et à vous asseurer que je seray toute ma vie invariablement, Monsieur,Vostre bien humble amy et serviteur
D.M.
Ce 24e avril 1623.
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius à Paris.
In dorso schreef Grotius: 24 April 1623. Maurier.