Monsieur. Le soin charitable que vous prenez de ce bon personnage qui languit aux liens2, est digne de vostre bon naturel et de son affliction, laquelle
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ne peut asséz estre deplorée, ny trop affectionnéement secourue; c'est pourquoy je souhaiterois que l'authorité du Roy et mon ministère y peussent quelque chose, car Sa Majesté ne sçauroit la mieux employer, et j'adjousterois à ses commandements sur un si favorable suject tout ce que pourroit produire ma très bonne volonté: mais d'un costé vous voyez que le sentiment de ces choses est petit en ceux qui gouvernent par delà, et l'endurcissement très grand icy en ceux qui pourroient y remédier sans préjudice de leur establissement, de sorte qu'au milieu de tout cela ma compassion de cette si indeue misère est contraint de demeurer engourdie et sans aucun effect: mais ne doutez pas que s'il m'estoit donné quelque ordre là dessus, je ne le feisse valoir jusques où se pourroit estendre la dignité du maistre et le zèle du serviteur. Vous pouvez donq sonder ce que pour veoir s'il y auroit quelque inclination par delà sur ce suject: car pour moy je vous confesse librement, et vous le jugez bien, qu'il n'y seroit pris de bonne part que j'en recerchasse la commission: tant il y a de mauvais accordz des bonnes causes, et de bons des mauvaises. Cependant je voy les parens et amys de l'affligé vouloir faire une tentation pour obtenir quelque adoucissement de sa captivité par eschange de lieu, ce que je souhaitte plus leur réussir que je ne l'espère, tant paroist esteinte l'affection entre les compatriotes: ceux qui ont gaingné le dessus continuans à croire qu'ils ne s'y peuvent maintenir qu'en écrasant tout à faict ceux qu'ils ont mis dessous. Mais celuy qui voit qui a le tort en jugera comme il appartient en son temps. Pour vostre traictement je le souhaite pareil à vostre mérite; il y en a qui se réjouissent icy sur l'opinion qu'il vous est diminué, mais tousjours le regret leur reste que vostre condition est meilleure qu'où ils vous avoient confiné. Parmy tout cela je ne doute pas que vous n'exprimiez par vos meurs et en cette espreuve, tant que Dieu voudra qu'elle dure, ce que vostre sçavoir et sagesse sçauroient dire à quelqu'autre en pareil suject. Pour moy je souhaitte tousjours de vous veoir comme vous méritez d'estre, et d'y pouvoir autant comme j'y ay de très bonne volonté, de laquelle nous saluons très affectionnément vos bonnes graces et de celle qui vous a faict passer par les portes sans rompre leurs serreures. Vous m'obligerez de me donner le plus souvent que vous pourrez de vos nouvelles par addresse du Sr. Olré, et de me croire tousjours,Monsieur,
Vostre bien humble et très affectionné amy et serviteur
D.M.
Ce 16e. 9bre 1623.
Je vous supply nos baisemains à Monsieur et Madlle. Tilenus.
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius A Paris.
In dorso schreef Grotius: Nov. 1623 Maurier. en: 16 Nov. 1623 Maurier.