Monsieur,
Comme il ne me revient souvenir plus agréable que celui de vostre mérite et de nostre amitié, aussy ne vous puis je celer que j'ay très grand regret de me ramentevoir à vous sur le suject de la perte que tous les gens de bien et le public de vostre patrie ont faicte en ce bon personnage monsieur de Bie2, que vous aurez sans doute ressentie très particulièrement et à bon droit pour la constante affection qu'il vous tesmoignoit; en mon égard certes y prenant grande part pour le ressentiment que j'auray tousiours des favorables offices de voysinage et d'hospitalité que j'ay receuz de luy durant plusieurs années, mesmes an plus fort de mes plus prégnantes afflictions. Or mettant à part les intérestz privés, je plains vostre république, qui auroit grande pene de remplacer ce seul homme là par plusieurs autres tous ensemble, n'en ayant point laissé, que je sache, aprèz luy, qui peust si dignement tenir la place qu'il a si longuement honorée par la preud'hommie et suffisance, le grand aage auquel il estoit parvenu ne diminuant point le dommage de sa privation.
Quant a vostre public je n'apprens point qu'il y ait guières de changement en mieux, ny que vos ambassadeurs3 facent autre chose que dépendre 120 florins par jour à leurs commettans; ne voyant pas en l'estat des affaires de ce royaume
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que celles de vostre estat se puissent réchaufer au feu des nostres, ny que les conseilz, assistances et faveurs données cydevant aux Rochelois par Arsens4, converties maintenant en injures contr'eux, leur pesant sur les espaules, puissent produire grand fruit à ceux, qui ont voulu se faire encor représenter en France par ce chaméléon; duquel aussy la direction, à ce que j'entens, n'a pas esté si heureuse à mon successeur5, qu'il l'ait préservé par delà de plusieurs inconveniens. Au reste je supplie monsieur Marbault6 de vous faire entendre une particularité, qui m'est de très grande importance touchant mes enfans7, qui sont par delà, vers lesquelz et pour leur bien et pour mon contentement je vous supply, comme de vous mesmes, me faire les bons offices, qui peuvent procéder de vostre affection et industrie, et convier monsieur Tilenus8 à faire le mesme, comme je l'en supplie avec vous très affectionnement vous suppliant qu'à cet effect la présente vous soit commune, et recevoir avec mesdemoiselles vos femmes mes humbles baisemains et de la mienne, vous suppliant me croire tousiours de plus en plus, Monsieur,Vostre bien humble et très affectionné amy et serviteur
Du Maurier.
De la Fontayne d'Ange, ce 7e Juin 1628.
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius.
In dorso schreef Grotius: 17 Junii 1628 Maurier.