Monsieur,
Comme vostre heureuse arrivée à la cour de France m'a grandement resiouy, ainsi ay-ie tousiours désiré d'avoir quelque favorable occasion pour vous en congratuler, diverses et grans empechemens m'en ayant jusques à présent contre mon gré destourné. Ores que ie suis de retour en Suissez pour y continuer ma charge de résidant et me souvenant tant de ma promesse que de vos mérites que i'estime infiniment ie n'ay pas voulu manquer de mon devoir sur ceste congratulation en priant l'Éternel pour le bon succez de vos négotiations, que la couronne de Suède et tous dépendans d'icelle se promettent de vostre sage conduite aux affaires de son Estat, l'utilité duquel nous qui avons le charactère public sommez obligéz à advancer au possibile.
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Pour mon particulier si i'y puis contribuer quelque chose avec ma correspondance, ie la vous offers de telle affection, que ie chéris vos grans vertus, dont les miennes vous donneront des preuves toutes et quantes fois qu'il vous plairra me favoriser de vostres.
Quant aux affaires d'icy vous aurez entendu le passage du duc de Rhuan2 par la Suisse aux Grisons avec 6m. pietons et 1400 chevaux lesquels ioincts avec ceux qui se sont désià saisis de la contée de Cleve et de Bormio seront dix ou 12m. hommes hors mis les Grisons qui avec leur pays gardent les confins du pays, si comme vous l'entendrais par cy ioinctes, entreprese à la vérité de gran importance estant par ce moyen le passage aux Espagnols en Allemagne bouclé, laquelle n'aura plus à craindre de ces trouppes, tant que la Valteline demeurera entre les mains du roy de France.
Pour mon particulier i'y ay aussi mon interest, car s'estant marié il y a plus d'un an avec une damoiselle de ce pays-là issue de la maison de Paravicini de Capelli3, laquelle y a des grans biens et, n'en ayant peu pour avoir esté déchastée par les rebelles à cause de la religion, retirer aucune chose du monde, ores il seroit temps de le faire. Mais d'autant qu'on n'y pour avenir au but sans l'assistance des François qui y seront factotum, Mr., vous m'obligeray infiniment si obtenez du card. Richelieu une lettre de faveur en mon endroit vers le duc de Rhuan et l'ambassadeur Landy4 qui y gouverneront, afin que par leur moyen i'y puisse recouvrir ce qui touche de droit à ma femme espérant que son Éminenze considérant les mérites tant de la séréniss.e couronne de Suède, de laquelle ie suis un des moindres ministres, que de son Excell.e Monseigneur le Gran Chancelier5, auqual i'en escris, n'en fera point de difficulté. Mon bonheur sera si vous pourray avoir la lettre et me l'envoyer au plustost par la poste en l'addressant au sieur Félix Orelly6, marchand à Zürig. I'ay bien du regret que l'occasion de vous importuner ce soit plustost offerte que celle de vous servir, la honte m'en demeurant sçachant néant moins vostre promtitude à favoriser les amys qui en ont besoin, cela m'enhardit tant plus d'implorer vostre aide. Ce sera donc sur son appuy que ie vous supplie très humblement de m'honorer d'un tel bien et de croire que si i'ay esté hardy en ma demande, ie ne seray pas moins plein de volonté à m'en revancher par quelque segnale service digne de vostre personne. Donts les effets cautioneront mes paroles, mais tousiours en ceste qualité,
Mr.,
de vostre Excell.e
très humble et plus
obligé serviteur
Charles Marin.
De Zürich, ce 22e
d'Avril l'an 1635.
Onderaan bl. 1 recto: Mr. Grotius.
In dorso schreef Grotius: 22 April 1635 Marin.
Daaronder met andere, latere hand: Franse brieven van Marini.
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Adres: A Monsieur Monsieur Hugo Grotius, conseilleur de la couronne de Suède et son ambassadeur près du roy très-chrestien de France à Paris.
Daaronder: Citò, citissimè, citò.
S.S. Monsieur,
Ayant entendu que S. Ex.7 passe par la France i'ay creu estre necessaire de reccomander ce paquet de gran importance qu'on m'a envoyé de Venise à vostre courtoisie vous suppliant de le faire addresser au sieur Camerarius8, ou à quelque autre amy affidé.
Le duc de Lorraine9 est dereschef avec les emperiaux en Alsace aux 8m. hommes et voulat au premier abord attaquer Mompelgard, mais à ce que i'entend il en a esté repoussé par les François et ores menace d'entrer en France ce que ie ne me puis imaginer pour beaucoup de raisons. Le duc de Rhuan est désià dans la Valteline ayant laissé deux regimens pour la défence de la rive de Cleves.
Cerbellarius10 se tient à l'entour de Fuentes avec 6m. pietons et 800 chevaux attendant d'autres 6m. de Naples hormis ceux que les Suisses cattoliques et le duc de Toscane sont estat de luy envoyer au secours, mais ie croy que les François luy donneront assez à faire dans le Montferrat.
Pour ne redire tant de choses ie vous communique la copie de ce que i'escris à son Ex.ce, nostre commun patron, et avec le prochain ordinaire vous escrire plus amplement de tout.
Cependant ie vous baise les mains et demeure
Afgescheurd.