Monsieur,
Je suis très obligé à vostre courtoisie de ce qu'il luy a pleu tesmoigner avec tant d'affection avoir pour agréable l'employ que m'a esté donné de la part de la roine de Suède2, nostre très clémente princesse.
Je me résiouys entre autres de ce que ie me trouve lié par ce commune service avec vous de qui les vertus et qualitez dès longtemps m'ont esté cogneues.
Je n'eusse pas laissé de recercher la correspondence laquelle par vostre bonté m'offrez dont ie vous demeureray tousiours obligé.
Monsieur le grand chancelier3 comme vous sçavez estant pressé par les occurrences du temps de se rendre en Saxen et ne pouvant trouver chemin seur par l'Allemagne a esté nécessité de prendre son passage par la France ce qu'il n'a voulu faire sans en advertir premièrement le roy4, lequel l'a eu très agréable et par sa lettre a tesmoigné avoir désir de le voir.
La rencontre s'est faicte à Compiègne, où estoit la cour. Monsieur le comte d'Alais5 luy fust envoyé devant. Il a esté traitté quelques iours qu'il a esté à
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Compiègne royalement; a parlé au roy, à la roine6 et au cardinalduc7, qui luy a rendu la visite. Prenant congé du roy le roy de sa main luy donna un diamant de fort grand prix et après luy envoya par son maistre de cérémonies8 une botte de diamants dans laquelle estoit le pourtraict de sa maiesté. Outre toutes ces choses extérieures dignes de la grandeur du roy et des mérites de monsr. le grand chancelier ils ont faict ensemble un bon traitté9 pour ne sortir de la guerre que conjoinctement et estant mondict Sr. Chancelier dès hier party de Paris, où il m'a faict l'honneur de se contenter quelques iours de nostre logis, vers Rouen pour là attendre les nouvelles des navires de guerre qu'il a recerché des messrs. les estats généraux des provinces unies, je croy qu'il ne pourra prendre son passage que par Lhollande, là où i'espère qu'il conclurra aussi avec ces messieurs-là quelque conjonction plus estroitte estant désià cet estat depuis peu entré en une nouvelle alliance avec la couronne de France10, par lequel il se déclare aussi contre l'empereur11.Toutes ces bonnes choses se rencontrants dans cette conjoncture de temps doivent divertir les princes protestants d'Allemagne de n'escouter à aucuns traittez particuliers et les donner courage de continuer la guerre avec vigueur et concorde iusqu'à ce qu'on obtienne par la grâce divine une paix universelle seure et honorable.
J'ay envoyé la substance de nouvelles par lesquelles m'avez résoiuy à mon dict Sr. le grand chancellier. Tout ce semble préparer icy à des efforts très grands et ouverts contre l'Espagnol12 s'estant le roy pour cela se rendu en personne sur la frontière du pays-bas et ayant envoyé le prince de Condé13 pour commander aux armées qui sons dans la Lorraine et aux environs.
Toute la Valteline avec ses forts est entre les mains des Grisons, reduicte par les armées du duc de Rohan14 à très grand bien non seulement des Grisons et des Suisses, mais aussi de l'Italie et de l'Allemagne à cause du passage.
Le roy a retiré son résident de Brusselle15 sans en envoyer un autre. Et l'ambassadeur d'Espagne16 est party d'icy sans avoir prins congé du roy, sans aussi avoir voulu accepter ses présents.
Nayant autre chose asseure, Monsieur, ie prie le bon Dieu de vous conserver en sa protection paternelle.
Vostre serviteur très humble.
A Paris, le 9. de May 1635.
Après avoir signer cell-cy
une grande nouvelle s'est
adioustée qui est la
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défense du commerceAdres: A Mons. Mons. Wolf, ambassadeur de la Reine de Suède auprez du landgrave de Hessen à Cassel.