Monsieur,
J'espère que vous aurez receu mes deux précédentes2, et vous remercie de la vostre du 16 Avril et des pièces y ioinctes entre lesquelles celles qui parlent du raccommodement du traitté de Pirne3 nous affligent et font désirer avec im-
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patience l'arrivée de monseigneur le grand chancelier4 en ces quartiers-là pour pourvoir à tout ce qui est capable de remède.Je vous envoye ce récompense des bonnes pièces qui portent l'insinuation formelle faitte de la part du roy5 au cardinal-infant6, par laquelle il dit vouloir tirer par les armes raison du refus de la liberté fait à l'électeur de Trèves7, comme aussi la saisie des biens et effects trouvez en France et apartenants aux subjects du roy d'Espagne8.
L'armée du roy commandée par le mareschal de Chastillon9 de vingt mille hommes est au pays de Liège preste pour se ioindre à celle des provinces unies, sur quoy les Espagnols ont prins soupçon d'un dessein sur Namur, et y ont mis grande garnison. Mais peu sert cela, puisque le chemin est ouvert de France jusqu'à Brusselles.
Monsr. le cardinal10 outre les raisons publiques n'est pas peu piqué par des attentats contre sa personne, à cause desquelles un prebstre nommé Tonnelier11 a esté pendu il y a cinq iours en cette ville. Il est à croire aussi que la mutinerie qui est arrivée à Bordeaux à l'occasion d'une imposition de deux escus par un sur les cabarets a esté suscitée par l'artifice de ceux qui estant trop foibles contre les armes du roy cerchent à se sauver par toutes sortes de ruses.
Il y a apparence que peu de iours nous produiront des effets souhaittez de tant de peuples depuis trente et plus d'années. Dieu conduise tout à sa gloire et au bien général de la chrestienté, et vous conserve, monsieur, soubs sa clémente garde.
A Paris, le 23 May 1635.
Vostre serviteur très humble et très affectionné.
Après celle-cy estoit escritte nous apprenons que l'armée du roy a prins par force Marche-en-Famine.