Monsieur,
Je vous envoye icy dereschef une lettre pour son Ex.ce2 qui vient de Constantinople d'où on m'advise que le[s] Cosaques font des courses sur la Mer Noire aussy bien que les Tartares en Poulogne, ce que estant contre le traitté de paix dernièrement fait3; on nous fait espérance d'une rupture aussytost que le Gran Seigneur4 se sera accomodé avec le Persien5.
Monsieur le duc de Rhuan6 se fortifie à Tyran et à Bormio où l'on logera les Suisses de Soleure, et les autres de Zurig et de Berne demeureront partie à Steig partie en Engadine et dans la Voltoline.
Les Austrichiens taschent d'entreprendre quelque chose contre nous du costé de Tyrol come les Espagnols du costé de Fuentes pour attaquer la Rive, mais estans les François victorieux et de nouveau renforcez de 8 régiments françois fort fraichement arrivez, l'on n'apprehend point leur forces.
Je ne rediray icy ce dont ie vous ay supplié par mes précédantes, sçachant que vous le retenez dans bonne mémoire pour me faire tenir ceste lettre de faveur au plustost. J'en auray une particulière obligation à vous, duquel ie suis très passionnément, monsieur, très humble serviteur
Marini.
De Chiavenne, ce 25/15 d'Aoust 1635.
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P.S. Sur le point de fermer la lettre on me baille la vostre du 9 de Juillet dont ie vous remercie très humblement et le recognoistray selon mon possible. Il faut que i'attende la venue du seigneur duc à Morbegno lieu vers en le milanois et alors i'employeray la lettre du roy7 en mon particulier et vous donray part du succez. Le malheur est que nos biens sont à la portée du pays ennemys, sujects grandement à l'invasion, mais aussytost que les François y seront tout sera mieux gardé. Et moyennant que les affaires publiques s'advancent, i'endureray voltontiers la perte de cet' année.
Créquy8 procède fort lentement et ne sçait-on pourquoy, quelques-uns croyant que c'est à cause du pape9 qui demande la suspension des armes de l'un et autre costé; jusques à présen il n'a point pris aucune ville dans le milanois. Monsieur le duc traictte avec les Grison[s] de la réstitution de la Valtoline, mais du temps ils ne sont pas d'accord, et voudroit-on qu'elle fut differrée jusques à ce que l'ennemy fust tout à fait exemté, car autrement les Valtolins se pourront fort aisément rebeller mesmes contre les François, sçachant le secours des impériaux10. Je toucheray ce point plus amplement par le prochain ordinaire, celuy cy n'estant que pour vous donner advis de la réception de vostre, et remercier quand et quand de la peine qu'il vous plait prendre en mon endroit. Je suis, monsieur, vostre redevable
Marini.
In dorso schreef Grotius: 25/15 Aug. 1635. Marini.