Monsieur,
Le voyage que i'ay fait à Chantilly pour parler au roy2 par ordre de la reine ma dame et maistresse3 m'a empesché de vous faire par escrit la response aux
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vostres4 laquelle de bouche i'avois desià par le sieur Betz5 qui s'estoit chargé de vos affaires.Pour le fait du payement de la pension cognoissant par expérience la lenteur de ceux qui gouvernent icy les finances, je n'ay pas peu trouver homme plus propre à nous aider que monsieur de Feuquières6 lequel est creu aux affaires d'Allemagne et est considéré tant à cause de ses propres qualitez et mérites, que par les parents7 qu'il a très puissants. Je n'ay pas manqué de luy en faire les recommandations plus qu'une fois, avec représentation de toutes sortes des raisons; et luy m'avoit promis d'y travailler à bon escient comme je croy aussi qu'il eust fait, si une recheute de maladie ne l'eust tenu depuis quelque temps non seulement au logis, mais aussi au lict. Je veux espérer que Dieu rendra la santé et les moyens d'agir pour les personnages de vostre qualité.
Quant à la sauvegarde que i'avoy sollicité estant à Chasteauthiery particulièrement aussi pour la douairière et l'enfant de feu monsieur le Rijngrave Otto Lodewijck8: mais les ministres du roy m'ont dit que la sauvegarde donnée soubs vostre nom suffisoit aussi pour eux comme estants de mesme nom et famille.
Si toutefois trouvez nécessaire qu'il y ait un acte particulier sera bon qu'il plaise à madame la douairière ou mesme à vous, monsieur, d'en escrire un mot de lettre à monsieur de Chavigny9, secrétaire d'Estat des affaires estrangers, ou à monsieur de Noyer10, secrétaire d'Estat pour les affaires de la guerre, et ne manqueray point d'y apporter tout ce qui sera en mon pouvoir.
Des actes de donations faites par le roy de Suède11 i'e n'espère pas bien d'obtenir la confirmation comme ie la souhaitte à cause des difficultez qu'on fait icy touts les iours d'approuver aucune concession des biens qui ont appartenu aux églises ou aux couvents, et principalement en ce temps icy auquel non obstant touts les bruits de la guerre on ne laisse pas de parler d'une paix.
Si toutesfois, monsieur, vous estimez à propos d'en faire un essay, ie le feray fort volontiers et en ce cas-là vous prieray de m'envoyer outre les copies allemandes les translations françoises des actes sur lesquels vous trouvez bon qu'on face instance. Et vous asseure qu'il ne manquera pas à ma diligence que vous et tous les vostres n'ayent du contentement entier.
Les bruits courent icy d'une nouvelle victoire que Dieu a donné aux Suédois sur les Saxons, dont nous attendons les particularitez, comme aussi du costé d'Hollande du fort de Schenck12 qui est aux abois, et des succès qu'on espère du grand armement naval que fait le roy.
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Monsieur le duc de Weimar13 qui est sur son partement chargé d'argent et des promesses vous pourra dire, comme en ayant pleine cognoissance tout ce qui se passe icy.
Je prie le bon Dieu, monsieur, qu'il vous conserve et vous remette avec vostre fort illustre maison en l'estat auquel avez esté et meilleur, à quoy je me tiendroy heureux si ie pouvois contribuer quelque chose et faire voir effectivement que ie suis
vostre serviteur très humble.
Le 18/28 d'Avril 1636. A Paris.