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Monsieur,
L'ordinaire m'a apporté vostre lettre du 31 Octobre.2 Noz affaires sont graces à Dieu en meilleur estat que quand vous me l'avez escritte. J'avois bien raison d'escrire que les ennemis ne se devoient pas engager dans la Bourgogne en la saison où nous sommes. Les progres qu'ils y ont volu faire jusques icy leur a apporté plus de honte que d'avantage. La levée du siege de Sainct-Jean-de-Losne3 est un effet de ce que je vous dis, qui a aussy heureusement reussy qu'elle avoit esté entreprise avec resolution; en voicy le particulier.
Dè[s] le Vendredy 31 Octobre monsieur de Tavanes4 partit avec monsieur de Verderonne5 et des Coutures6 pour jetter le premier dans Beaune avec son regiment et l'autre dans Sainct-Jean-de-Losne. Comme il prenoit un assez grand tour, ce secours ne peut arriver que Lundy7 et trop tard sans doubte. Ce qu'ayant esté preveu par noz messieurs, qui estoient en inquietude de la perte de cette place, où nous entendions par les coups de canon que les ennemis vouloient faire effort, monsieur de Ransau8 offrit de s'y jetter dedans par le costé d'Auxonne et de la sauver. Il partit le Dimanche9 au soir avec les troupes de cavallerie de monsieur le prince et un regiment du duc de Weimar10 et deux regiments d'infanterie allemande, sçavoir le sien et Batilly,11 passa toute la nuict les Tilles12 avec beaucoup de difficulté, à cause que les eaux estoient extremement haultes, arriva le matin à Auxonne, ayant rencontre une partie des Crovates par le chemin qu'il bastit, ce qui donna l'alarme aux ennemis et leur fit avancer leur attaque pour prevenir se secours qu'ils crurent plus grand qu'il n'est, de sorte qu'aprèz s'estre logez dans tous les dehors que les nostres ne pouvoient garder, ils donnerent sur les quatre heures après-midy du Dimanche par une breche assez raisonnable, aussy en furent-ils repousez avec perte de plus de deux cens. Le bruict des mousquettades fit haster monsieur de Ransau. Il ne put arriver pourtant qu'après l'attacque finie, mais voyant que pour cela ils ne laissoient de garder leur[s] postes, il fit faire une sortie le matin par laquelle il les en delogea. Bonnelle13 y fit fort bien.
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Les ennemis qui estoient dragons se retirerent en disordre, et sans leur cavallerie, qui les vinst recevoir, de trois cens qui gardoient ce poste il ne s'en fut pas sauvé un. Ainsi le siege a esté levé.Les ennemis en se retirant furent suivis par Ransau, qui escarmoucha avecq sa cavallerie et poussa deux de leurs escadrons en prenant des prisonniers, jusques dans les rangs, quoyqu'il y eust deux mille chevaux commandez pour faire cette retraitte qui ne voulurent pas s'avancer. Le landemain Ransau nous est venu rejoindre ayant tousjours marché à la veue des ennemis, qui de ce moment ont commencé à se retirer avecq toute leur armée par le mesme chemin qu'ils avoient pris en venant, si bien qu'(à) cette heure l'on nous asseure que leur avantguarde est desja ve(rs) Mirebaut.14 Nous en sçaurons ce soir des nouvelles plus certaines par le retour d'une partie de cavallerie, qui doit les aller recognoistre.
De Dijon, ce 7me Novembre 1636.
In dorso schreef Grotius: Le monde juge qu'ils vont repasser la Saone. La perte de cette grande bataille, la saison où nous sommes et les ... etc. Corbie ... Vendredi, Duc de Parme,15 ...