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Monsieur,
Je continue à chanter mon miserere, attendant le jour de laetare,2 qui ne comparoit pas encor de nulle part, estant pourtant digne de compassion, dont j'en trouve plus icy que non pas chez ceux ausquels je sers. Patience.
Icy on commence à battre le tambour pour la France, à qui une bonne part des cantons a accordé la levée horsmis ceux de Basle, Schaphausen, Lucern et Suiz, dont les uns craignent le voisinage des imperiaux, d'autres veulent estre asseurez au preallable que la neutralité promise pour la Contée aura son effect,3 oultre que le pape sollicite de mesme les Petis Cantons pour une levée, et de s'accorder à tous deux est impossible, le pays de Suisse estant assez espuisé des gens, dont il n'abonde plus tant comme par cy-devant. Ceux de Zurig, oultre les trois compagnies, donnent aussy un colonel, dont le roy les honore, inusitato antehac more, et ce sera à mon advis le capitaine Rhon,4 qui a une compagnie dans le[s] gardes roy[ales]. Messieurs de Berne en sont un peu piquez, comme aussy ceux de Friburg, qui ne voyent pas volontiers qu'en cecy Soleure leur ayt esté preferé, ayant par cy-devant joui de cest honneur. Je crois qu'à la fin tous s'accorderont, ayant desja tant de fois gousté la douceur des escus de France.
Hohetvil demeure bloqué avec peu de gens, le reste estant es quartiers d'hyver proche de là, ce qui fait que le go[u]verneur5 a nouvellement fait une autre gagliarde sortie sur eux, les ayant chassé d'un poste, et a tué quelques-uns et d'autres fait prisonniers. Nous voyons qu'ils voudroyent volontiers quitter ce siege, si cela se pouvoyent faire avec quelque reputation, et que les protestans suissez s'interposassent envers le gouverneur que pour le moins il demeurast neutral envers ses voisins, mais je n'y voy point d'apparence pour plusiours raisons.
Vous sçavez la creation de 12 cardinaux, dont il y a trois en faveur de l'empereur et des rois d'Espagne et de France.6
Ceux de Cremone se sont soulevez contre les soldats qu'ils logent, en ayant tué quelquesuns et le reste contraint de se retirer dans le chasteau. La cause en est que le soldat ne s'est pas voulu contenter de la chair et du vin et d'autres services que les habitans leur ont offert au lieu de l'argent dont ils se disent tout à fait espuisez, et parce qu'on en a voulu extorquer par force, les bourgeois ont pris les armes pour s'en desfaire. Le gouverneur de Milan7 y va avec sa cavallerie, mais il aura de la peine d'user de la force pour n'irriter point tout le Milanois
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fort surchargé de tant d'exactions qu'il est contraint de payer. Ce qui en suivra, je le vous diray par le prochain, et me reccommandant à la continuation de vos bonnes graces, demeure à jamais, monsieur,vostre serviteur tres humble,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 30 de Decembre l'an 1641.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 23 Ian. 1642.
En in dorso: 30 Dec. 1641 Marin.