Monsieur,
La tres grande affection que [vostre Seigneurie] me tesmoigne, merite un plus grand remerciement que je ne vous sçaurois faire, mais bien vous puis-je asseurer qu'il n'y a rien que je ne veuille faire pour vous servir. Je croy que l'ambassadeur de France2 obtiendra ce qu'il desire pour le renforcement des trouppes qui sont au pais de Juilliers et aux environs, et que par ce moyen les quartiers seront asseurez. Le prince d'Orange fera facillement cesser les oppositions et, quant à l'electeur de Coulogne,3 patiatur legem quam tulit. Il faudra à la verité avoir de bonne heure soing du pain pour nourrir tant de gens, mais moyennant qu'il y ait de l'argent, les villes proches possedées par les Estats des Provinces-Unies fourniront à cela.
L'arrivée de Torstenson,4 quoyqu'il n'ait fait encore grande action d'armes, a fait assez en ce qu'elle a fait quitter par les ennemis deux sieges et a retenu les princes de Lunenbourg dans le party.
J'apprends que le duc de Baviere offre de remettre entre les mains de l'empereur le Bas-Palatinat pour en disposer à sa bonne volonté. Il luy sera facile de traisner l'affaire, puisque l'Angleterre n'est pas en estat de se resentir à cause des ombrages qui durent entre le roy et ses sujects et des divisions qui paroissent au parlement mesme dans le tiers estat, desquelles occasions le roy se sert pour racquerir ce que sa Majesté a perdu en autorité. A tout cecy s'adjouste le mal d'Irlande, tant plus à craindre que ces gens protestent de vouloir defendre la prerogative du roy, ce qui a fait les remedes plus tardifs que ne requiroit le danger, principalement depuis qu'ils se sont emparez de quelques ports de mer. Je ne m'estonne pas que monsieur le prince electeur ne se rend pas trop facile pour accepter le commandement des armes contre les Irlandois, cognoissant l'humeur jaloux des Anglois et craingnant des traverses.
Aux forts devant Hohentwiel, ce nous dit-on, ne sont demeurez que six cents hommes et la cavallerie françoise paroist aux environs pour mettre dans Hohentwiel ce qui y pourroit estre requis. Les pensions d'Espagne manquent aux Suisses aussi bien qu'aux Grisons; les françoises aux Suisses vont assez bien et font advancer les levées, excepté que Schaffenhuysen à cause du voisinage des Austriciens y apporte quelque difficulté qui pourra servir de praetexte aux cantons catoliques d'en faire autant. Les Grisons tiennent une assemblée où entre autres ils deliberent sur le fait de l'Engadine.
Je demeure, monsieur,
vostre tres humble serviteur.
Le 18 de Janvier 1642.
43
J'apprends que ceux de la citadelle d'Asac ont repris la ville et que le Moscovite a mandé en Poulogne que les Turcqs y seront bien frottez; qu'en Hongarie les Turcqs ont demoli le fort Tamas et pourvoyent Buda et autres frontieres de munitions; que le fort d'Argillers en Roussillon est pris par les Espagnols, mais que les François qui sont en ces quartiers, attendent de la cavallerie du Langedocq et veulent attacquer Perpignan par force. Le prince de Condé est venu icy pour estre chef du Conseil royal en absence du roy et le marescal de La Milleray va avecq des trouppes devant le roy. Le duc d'Espernon est mort.
Bovenaan de copie staat: Vicquefort.