Monsieur,
Comme les nouvelles2 du cours continuel des victoires près du Rin resjouira la cour, ainsi d'autre part, comme les advantures de la guerre sont journalieres, elle aura de quoy temperer sa joye par eschec receu près de Perpignan. Cecy pourra faire changer les desseins du roy, qui n'estant pas de constitution bien ferme advance son voyage lentement et subsiste en quelques endroits, ayant donné quelque delay à la reine de le suivre. Nous verrons plus clair, quand le [roi] sera venu à Lyons.
Cependant le gouverneur de Hohentwiel brusle les villages qui ont contribué au siege, et les gens du duc Charles courent jusques aux portes de Strasbourg ayants pris Molsheim en Alsace. Les Espagnols ayant payé quelque partie de ce qu'ils doivent aux Grisons pressent les levées. Le Manifeste des Irlandois court icy et est receu assez favorablement. On me dit que quatre navires avec munitions de guerre partis de Nantes sont arrivés en Irlande. Et quant aux affaires d'Angleterre, là où la reine est griefement accusée et le roy par le peuple de Londres menacé d'estre demis, je croy que le roy de France donnera ordre à son ambassadeur pour faire les bons offices.
Il n'y aura pas de mal qu'on prepare un peu les affaires à un accommodement à Goslar3 sans venir à la conclusion, si ce n'est qu'avec la Suede, laquelle ne fera sa paix qu'avec la France. Si tant est que le roy de France n'aime plus la guerre que la paix à cause des advantages que les armes luy ont donnés et peuvent donner encore et à cause de la seureté et grandeur qu'on trouve dans les armes, il y a apparence que les imperiaux voudront se rendre plus qu'ils ne sont maistres d'Hanau, si les heritiers4 ne pourvoyent. Les maux d'Angleterre ne me permettent pas d'esperer que les affaires de la maison palatine aillent autrement à Vienne qu'ils ne
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vont. Si le roy de Danemarq peut trouver les moyens d'entretenir une armée si grande, les villes d'Hambourg et Breme seront en perpetuel tremblement et la Suede pas sans jalousie, principalement si ledit roy s'estreint avec la Poulogne.Je demeure, monsieur,
vostre tres humble serviteur.
A Paris, le 15 de Febvrier 1642.
Bovenaan de copie staat: Vicquefort.