Monsieur,
Après un long silence j'ay receu finalement vos tres aggreables du 3 courrant, mais je suis marry que vous n'y dites rien de ce qu'a operé pour moy monsieur le general Horn envers monsieur Heuf.2 Car sur l'esperance de recevoir de luy le reste de ce qu'il me doit, je me suis laissé persuader de demeurer icy, esperant pourtant que par vos premieres lettres vous m'en donray quelque advis.
Nous avons icy la desfaite du duc Franz Albrecht en Silesie, où il est mort de ses blessures,3 qui faira oublier à nos ennemys celle du comte de Guiche,4 qui est bien rude et fera peut-estre resouldre le roy d'abbandoner le siege de Perpignan, où on dit qu'il y a des vivres encor pour le Septembre prochain. En Italie les Espagnols ne font rien qui vaille, jusques à ce que le prince Thomas accepte le generalat de leur armée, et pour l'y disposer ils luy offrent toute satisfaction qu'il demande et l'empereur deux regimens allemans, qu'un des siens conseilleurs, envoyé en Italie, luy promet à son nom, et fait tant qu'il peut pour rasseurer mesme le prince cardinal dans le parti d'Espagne.5 Le pape est aussy oisif avec son armée et si le duc de Parme
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voudra marier une de ses filles avec le fils de don Tadeo, nepveu du pape, on croit que toute ceste guerre s'appaisera.6 Le gran-duc ne respond rien aux citations du pape, reservant à un autre temps ses raisons qu'il a sur les biens possedés dans l'estat d'Urbin.7 La jalousie que ceux de Lucca prennent tant de son armement que de celuy du pape fait qu'ils sont en continuel alarme et gardent fort soigneusement leurs portes.8 Le mesme font les Genois, recerchans le pape pour une ligue defensive, et qu'il donne à leurs ambassadeurs le tiltre d'Excellence à l'esgal de ceux de Venise. Les Milanois ramassent ces 6 mille hommes promis au roy d'Espagne, et de Naple on envoye deux mille et tous doivent servir en Espagne contre les Catelans.Je me reccommande à vos bonnes graces et demeure, monsieur,
vostre serviteur tres humble,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 16 de Juin l'an 1642.
Dans le pays de Virtemberg il y a quelques regimens soubs Mercy,9 qui seront commandés par Jean de Vert, qui menace nostre voisinage et veut faire le desgast de la raccolte dans l'Alsace.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 18. Iulii.
En in dorso: 16 Iunii Marin 1642.