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Monsieur,
Depuis quelque temps en ça je reçois fort rarement l'honneur de vos lettres, qui me manquent derechef cest' ordinaire passé. Mais je veux esperer que d'oresenavant vous m'en favoriserayz plus souvent; aussy vous en prié-je fort instamment pour estre asseuré de la reddition de mes lettres. Vous ne me mandez aussy rien de ce que monsieur Heuf2 a dit à monsieur le general Horn touchant mon change qu'il me doit, craignant pourtant qu'il n'a point aucune intention de me payer son reste, ce qui neantmoins seroit tout à fait raisonable. Je suis mal traitté de tous costez et voudrois que monsieur le general Horn3 fust desja en Suede pour y donner ordre à mon soulagement et me faire donner mon honneste congé, si on ne me veut traitter plus equitablement, estant la plus gran' honte du monde de m'abbandonner en charge publique de ceste façon.
Vous sçaurez que le roy sur les plaintes de messieurs de Berne a imposé silence à l'abbé de Gies, qui par un manifeste imprimé a voulu maintenir ses droits sur la moitié de Geneve,4 et dont les Suissez sont bien piqués. En Italie on ne fait encor rien de part et d'autre, et pour le pape, il ne fait que garder le duché de Castro et cependant consent aux nouvelles ouvertures d'un accommodement avec Parme, tant par la voye d'un mariage qu'on projette entre sa fille et le fils de don Tadeo,5 qu'en offrant à iceluy duc les villes de Nepi et d'Intri [sic] dans l'Estat ecclesiastique,6 en echange de celles de Castro et de Montalto, que le pape ne veut rendre. Quelques-uns veulent que l'accord est desja conclu et qu'en vertu d'iceluy le duc de Parme doit le premier licentier ses trouppes et qu'alors les autres feront le mesme.
L'affaire de Portugal demeure en souspens, sans que Rome en veuille donner sa sentence definitive.7 Nous verrons ce qu'en sera et si les Espagnols voudront rendre les places qu'ils tiennent dans le Piedmont aux princes de Savoye, comme promet de faire la France par l'accord nouvellement fait avec eux.8 Nos Suisses sont à Bade avec l'ambassadeur de France et don Schavedra, espagnol, qui a ordre de traitter de la neutralité de la Franche Comtée et monstre son pouvoir qu'il en a de son roy, soubscrit de sa main et addressé à tous les 13 cantons, ce qui a manqué par cy-devant. J'en espere peu de fruit, la France y monstrant peu d'inclination.9
Je demeure, monsieur,
tout le vostre,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce dernier de Juin, stilo vetere, l'an 1642.
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Mandez moy, s'il vous plait, si monsieur Horn va à Hamburg, car de là il m'a promis d'envoyer quelque change.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 27 Iulii.
En in dorso: 30 Iunii 1642 Marin.