Monsieur,
Vos lettres du 15 courrant m'apprennent, ce que [vous] avez fait pour moy envers monsieur Heuf, lequel je ne voudrois plus importuner de l'argent jusqu'à l'arrivée de monsieur le marechal en Suede.2 Mais parce que son voyage ira à la longue et que d'autre costé je me trouve icy dans une horrible cherté et qui tantost nous menace d'une famine, la saison fort estrange ayant gasté tant la campagne que les vignes, je suis contraint de le presser derechef pour deux cent dalers, dont je voudrois faire ma provision pour avoir de quoy vivre, ces trois cent dalers que monsieur Mukel3 par ordre dudict seigneur Horn m'a donné il y a 4 mois estant desja consumés, et des difficultés incroyables se presentans de trouver plus d'argent par emprunt, mes deubtes sans cela estant plus grandes de ce que mon gage porte. Je vous supplie donques, monsieur, tres humblement d'y travailler tant, que monsieur Heuf s'y laisse disposer au plustost, et adjouster encor cecy à tant d'autres obligations que je vous dois et dont je ne seray jamais mescognoissant.
Nous avons en nostre voisinage Jean de Vert4 avec quelque 6 mille hommes, d'autres disent 8 mille, avec lesquels il doit faire quelque diversion auprès du Rhin et asseurer quand et quand la Contée, ce qui double nostre cherté sans cela desja insupportable. Et pour empecher que les soldats ne se desbandent au service de Venise, les Grisons à l'instance des Espagnols doivent boucher leurs passages à tous ceux qui ne sont leurs alliez, en envoyant à Milan les soldats qui passeront par leur pays. Les François et Espagnols en Italie s'entre-resgardent encor
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sans rien entreprendre jusqu'à la ratification du traitté des princes de Savoye.5 Et cependant l'armée du pape a voulu surprendre Mirandola et Borsello,6 mais en vein, dont les Venetiens sont fort alarmés.De Rome on escrit que le pape veut admettre à son audience l'evesque de Lamego comme ambassadeur du duc de Bragance et pos[ses]seur du royaume de Portugal,7 à condition qu'il relache les evesques, par soupçon de trahison mis en prison,8 et après avoir obtenu l'audience sans la publique cavalcade, parte aussytost de Rome, où tout est plein de soldats et estrangers, parmy lesquels on craint quelque emotion à cause de tant de factions qui y sont. Nous verrons ce qu'en sera.
Je me reccommande à vos bonnes graces et demeure, monsieur,
vostre serviteur redevable,
C. Marin, m.p.
De Zurig, ce 21 de Juillet, stilo vetere, l'an 1642.
On tient Mirandola pour prise par les gens du pape9 et ce avec consentement de deux princesses heritieres qui y sont,10 dont Venise est fort en alarmes.
Les ambassadeurs d'Angleterre et de Danemarc avec ceux du Palatin sont partis de Vienne infecta re, n'ayans pas voulu se laisser mesner plus par le nez.11
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 14 Aug.
En in dorso: 21/31 Iulii 1642 Marin.